Dans la nuit de samedi à dimanche, le leader de l’extrême-droite autrichienne Jorg Haider a été victime d’un accident de voiture. Le leader du BZÖ est mort, semble-t-il, sur le coup, et rien ne laisse à penser à ce stade qu’il n’ait pas été le seul responsable de son propre accident. Il était seul au volant et il a simplement perdu le contrôle de son véhicule. Selon la presse autrichienne, il aurait en effet circulé à grande vitesse sur une route nationale dans une voiture puissante en plein brouillard; il aurait dépassé la vitesse autorisée de prés du double. Il est donc mort en pleine cohérence avec ses idées « libérales » en ne respectant pas une régle commune – banale somme toute – au volant d’une voiture puissante et luxueuse, comme l’éternel jeune homme qu’il prétendait être. On ne peut que compatir face à tant d’imprudence qui plonge sa famille dans le deuil.
Il est certain que la science politique dans la mesure où elle est à la recherche de régularités n’est pas très à l’aise avec ce genre d’événements, qui soulignent le rôle d’une personne particulière dans l’histoire. Si une théorie du complot se développe à propos de cette mort, il y aura sans doute un politiste pour étudier la construction de cette théorie par des militants d’extreême-droite et pour l’inscrire dans une série de semblables théories du complot concernant les disparitions prématurées de leaders extrémistes dans l’Europe contemporaine, mais de la mort en elle-même nous n’avons pas grand chose à dire.
Pourtant, la mort d’un Jorg Haider changera par définition quelque chose au cours ultérieur de l’histoire. Si l’extrême-droite autrichienne se réunifie et surtout connaît de grands succès par la suite (encore plus grands que celui qu’elle vient de connaître), il sera difficile de ne pas penser que sa mort a favorisé ce développement en résolvant par le fait le problème du leadership dans ce courant politique. On maudira la Providence d’avoir ainsi résolu le problème. Si au contraire, son parti le BZÖ se délite sans laisser de trace, si l’extrême droite autrichienne reste divisée et connaît des revers divers, et si ce succès de l’automne 2008 est (enfin) le dernier, il faudra bien s’interroger sur la perte d’expérience que cette mort a représenté pour ce courant, et l’on se réjouira de la disparition fort opportune du tribun carinthien. Quelque soit le développement ultérieur, on se dira que quelque chose en a été changé, bien que l’on ne sache pas quoi exactement; cela sera proprement indécidable : dans une politique trés personnalisée qui repose sur l’impact d’une personnalité sur le public, la disparition d’un acteur prend un sens autre que dans une politique où seul le groupe partisan ou autre compte. Nous ne saurons ainsi jamais ce qui se serait passé dans la politique néerlandaise si Pim Fortuyn avait vécu, nous ne saurons pas non plus ce qui se serait passé si Isaac Rabin n’avait pas été tué par un extrémiste – ou plutôt nous le devinons dans les deux cas en fonction de nos inclinations politiques.
Je ne crois qu’Abélès ait écrit, dans Anthropologie de l’État, sur la mort prématurée du souverain. Dommage.
“Il est donc mort en pleine cohérence avec ses idées ‘libérales’ en ne respectant pas une régle commune” : le poids des idées, le choc des berlines.
Pour ajouter à la cohérence, il semblerait que J. Haider ait été un petit peu alcoolisé au moment de l’accident fatal. Il finit donc en publicité pour la sécurité routière…
Si votre scénario numéro 1 se réalise, on pourra peut être dans quelques années en venir à regretter la mort de Jörg! Gageons que personne n’aurait pu le penser il y a une semaine encore.
Visiblement la mort de Jorg Haider a plus captivé les médias français que les récentes élections autrichiennes. Il eut pourtant été interessant de souligner l’importance de l’enjeu européen dans ce scrutin : c’est à cause d’une alliance à la chambre entre gauche et extrême droite sur l’organisation d’un référendum sur de nouveaux entrants en Europe (visiblement les Turcs n’ont pas gagné en popularité à Vienne depuis leur dernière visite…) que les Chrétiens démocrates ont déterré la hache de guerre électorale (bien mal leur en a pris…). Et après les résultats, la droite a changé de leader et pris un eurosceptico-compatible : un peu comme si l’UMP était obligé de passer de Fillon à Dupont-Aignan…
Bref je ne peux donc que conseiller à Stephen Harper de périr tragiquement sur un chantier de raffinage de sables bitumeux dans l’Alberta afin que l’on parle de lui en France. Il parait en effet qu’il y a eu cette semaine des élections générales au Canada (ce truc au nord des USA qui est une des plus vieilles démocraties du monde et où ça parle un peu français mais avec un accent bizarre). A moins que ce ne soit qu’une rumeur pour essayer de détourner notre attention de « Joe le Plombier » (ou plutot Sam si j’ai bien suivi). Je pense qu’au rythme actuel Obama a déjà largement dépassé Fillon en taux de notoriété en France… Il ne reste plus qu’à prevenir les Français qu’ils n’ont pas (encore ?) le droit de vote pour élire les grands électeurs.
Bon sinon que fait la bourse ?
Sur les élections autrichiennes, il est vrai que la presse française n’en a pas beaucoup parlé. Or le nouveau leadership du SPÖ avait viré – au moins en paroles – eurosceptique à la veille de l’élection. Ce qui était surprenant pour un parti membre du trés fédéraliste (en principe) PSE, et ce qui était pour le moins troublant…. à croire que Laurent Fabius n’était pas seul au monde (à gauche) dans ce genre de stratégie. Du coup, comme les conservateurs autrichiens ont changé de casaque aprés leur défaite, comme vous le rappelez, tout le monde (sauf les Verts sans doute) doit tenir un discours eurosceptique dans la classe politique autrichienne, ce qui correspondrait à la tonalité hostile à Bruxelles de la presse populaire et aussi au caractère eurosceptique de l’opinion autrichienne telle que mesurée par les Eurobaromètres.
En même temps, si l’on va regarder les données de sondages post-électoral telles qu’en rend compte la presse autrichienne sur Internet, on se rend compte que « l’enjeu européen » n’est pas beaucoup cité par les enquêtés comme un motif de leur vote. Je me demande si parler mal de « l’Europe » (ou de « Bruxelles ») n’a pas été plutôt un moyen pour les politiciens pour signaler aux électeurs un intérêt en général pour la crise qu’ils ressentent, pour signaler qu’ils prennent leur peur envers l’avenir (les étrangers, les Turcs…) au sérieux. En effet, si j’ai bien compris la situation socio-économique de l’Autriche, ce n’est pas tant une crise actuelle qui inquiéte les populations, que ce qui pourrait arriver sous peu à ce « pays de Cocagne ».
Enfin, pour ce qui est de l’intérêt des Français pour les élections américaines, c’est un peu excessif certes dans la mesure où il serait bon de s’intéresser un peu plus aux évolutions chez les voisins européens, et il est un peu ridicule de demander leur avis aux non électeurs que nous sommes sur leur choix électoral virtuel, mais n’est-ce pas finalement réaliste de la part de l’opinion publique que de porter attention aux évolutions politiques, économiques et sociales de ce pays à l’hégémonie chancelante mais encore bien présente par ses effets? Notre sort n’est-il pas in fine dans les mains du système politique américain?