Au détour d’une conversation estivale avec un invité d’un banquet d’anniversaire auquel je participais, j’ai eu l’occasion de constater à quel point une partie des élites de notre pays n’avait « rien vu, rien appris, rien compris« , en dépit même de la crise économique et sociale montante.
Mon interlocuteur d’un jour se trouvait être un haut fonctionnaire, économiste de formation, travaillant dans une des agences gouvernementales créées depuis quelques années. La conversation est venue par je ne sais quel détour, les retraites me semble-t-il, sur le rôle du commerce international. Comme je faisais remarquer que ce dernier ne semblait pas être très favorable à l’ensemble des Français, je me suis fait durement rabrouer sur le thème selon lequel ce même commerce avait sauvé rien moins qu’un milliard d’êtres humains de la pauvreté dans les dernières années, et que je reprenais dans ma critique contraire en tous points à la science économique les erreurs archaïques de Marx… Je n’ai pas bien compris à dire vrai d’où venait exactement le lien entre Marx et mon constat que toute la population française (en particulier certains segments de la population active les moins qualifiés ou les plus ouvriers pour ne pas faire comme si ces personnes étaient sans vertu ce que suppose la première expression) ne semblait pas profiter de la part commerciale de la mondialisation (du moins en tant que producteur). De fil en aiguille, on s’échauffa de part et d’autre à l’heure du café à l’étonnement d’une partie des convives lancés dans des conversations plus anodines semble-t-il. Comme je faisais remarquer que l’ensemble des politiques économiques suivies depuis 30 ou 40 ans n’étaient pas à l’avantage du développement d’une société harmonieuse, comme dirait le jargon du PCC, et que l’impasse était désormais patente, le haut fonctionnaire finit par me faire remarquer que de nombreux emplois étaient créées dans… la restauration (en dehors même de la mise en place de la TVA réduite dans ce secteur, réduction bien inutile à ses yeux d’économiste), et que c’était là un exemple de la bonne marche dans la reconversion de notre économie dans le cadre de la mondialisation. Est-ce que, moi-même d’ailleurs, je n’aimais pas aller au restaurant? (autrement dit, est-ce que dans le fond, la création de nouveaux services de restauration en dehors du domicile ne constitue pas la satisfaction d’un besoin que je ressens moi-même? CQFD) J’en suis resté un peu pantois… Qu’un haut fonctionnaire trouve fort bien que la main d’œuvre, rendue disponible par la place nouvelle de la France dans la division internationale du travail, se déverse pour user du terme consacré dans le secteur de la restauration (sans compter en plus dans quelle restauration… ) m’a éclairé sur l’état d’aveuglement de certains…
En effet, le secteur de la restauration – au delà de la façade de la gastronomie française – se trouve être l’un de ceux où les rémunérations se trouvent être les plus basses, où les conditions de travail sont les plus dures, et où, enfin, l’économie souterraine est loin d’être absente. Cette personne avait-elle entendu parler de ces luttes des « sans papiers » dans ce même secteur de la restauration qui avaient au moins le mérite d’officialiser une situation sociale pour le moins peu exemplaire?
La conversation en resta là plus ou moins. Le haut fonctionnaire a dû repartir chez lui en pensant qu’il est bien difficile de gérer un pays avec des universitaires qui ne comprennent rien à l’économie, l’universitaire que je suis se dit qu’il avait eu en live un bel exemple d’arrogance néolibérale…
A quelques dizaines de kilomètres de l’endroit idyllique où se déroulait paisiblement l’anniversaire auquel j’étais convié, se déroulait une émeute de plus dans un quartier populaire de notre paisible pays. Celui de la Villeneuve à Grenoble. Comment ne pas faire le lien avec la discussion avec le haut fonctionnaire? En effet, tous ces quartiers sont affligés d’un fort taux de chômage, en particulier pour les moins de 30 ans de sexe masculin sans qualification. Les plus prompts à la déviance de ces jeunes hommes, dont il faut bien dire que, dans le fond, l’économie française n’a absolument pas besoin pour fonctionner au jour le jour, se livrent à la petite criminalité, puis à la grande délinquance. Parfois, à force de tirer sur la corde, cela finit mal pour eux, comme vendredi dernier, et leurs amis et connaissances se livrent à une émeute donnant ainsi l’occasion à la force publique de se déployer dans toute sa majesté et rigueur. Cette fois-ci, on a même sorti un blindé. Je ne suis pas sûr que proposer à ces « jeunes » comme espoir professionnel la restauration ou quelque autre secteur à basse valeur ajoutée les fasse rêver… Comme les sociologues l’ont fait remarquer depuis longtemps sur le cas des Etats-Unis, il existe des emplois dans le secteur tertiaire qu’il reste difficile à un jeune homme d’occuper, parce qu’il lèse l’idée que ce dernier se fait à tort ou à raison de sa virilité. A cet obstacle dans les représentations de soi au niveau individuel, il faut ajouter au niveau global l’impasse dans lequel se mettrait une société qui n’aurait plus de classes moyennes. L’opinion commune des politistes, du moins telle que je la comprend, veut en effet que la polarisation sociale et économique ne peut que se traduire à terme en extrémismes politiques de part et d’autre. Que Grenoble, ville réputée pour sa spécialisation dans les hautes technologies et sa vie académique, soit le lieu d’émeutes urbaines constitue un utile symbole de cette division de la société française : d’un côté, cette magnifique « économie de la connaissance » dont Grenoble constitue l’un des fleurons français, plongée de plain pied dans la part solaire de la mondialisation, qui consomme de l’ingénieur, du technicien supérieur et du chercheur à tout va (du moins quand la conjoncture est bonne), de l’autre, cette part maudite du non-qualifié, condamnée à la relégation dans le sud de la ville et à exercer au mieux un métier de service donnant droit à la « prime pour l’emploi ». Un « petit Chicago » effectivement comme l’a dit un syndicaliste policier craignant la sécurité de ses ouailles. Pas celui d’Al Capone – ne mythifions pas les voyous du crû!- , mais le Chicago actuel, avec son université d’excellence et ses quartiers ghettos.
En même temps, comment faire dans un pays où un haut fonctionnaire croit que l’augmentation de l’emploi dans la restauration fait partie de la solution?
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Pour rester dans le ton un peu déprimé de ce billet estival, je viens de lire qu’un rapport parlementaire suggérait de rendre obligatoire une assurance pour couvrir le risque de dépendance à compter de 50 ans… Quelle belle officialisation de la perspective que nous avons tous de finir à l’état de « dépendant »… Merci la Science et la Médecine…. Merci l’Éthique et le Droit… Quelle belle illustration du lobbying des assureurs pour se garantir un nouveau marché avec des assurés guère en état par définition de se plaindre qu’on les roule dans la farine! Que d’emplois nouveaux à faible productivité à créer dans ce secteur de la « dépendance » dont la demande va être ainsi rendue solvable… Après la restauration, la becquée… J’en pleurerais presque. Quelle belle contradiction avec la nécessaire baisse des revenus des plus de 50 ans que nous prédisent les économistes pour permettre justement le maintien dans l’emploi des dites personnes jusqu’à 67 ans… Quel bel abandon de ses responsabilités par l’État… Quelle incapacité à faire des choix de notre part… Tous dépendants à la fin…
Hé ! non que je souhaite mythifier les voyous du coin, mais, à Grenoble, la mafia, la vraie, pas celle d’Al Capone, mais une variante qui connaît les règlements de comptes mortels, cela existe. Il y a un quai de l’Isère, le St Laurent, qui comporte une rangée d’une cinquantaine de pizzerias dont on ne me fera pas croire qu’elles survivent par les seules lois du marché de la restauration, justement. Grenoble n’est pas très loin de l’Italie… Et c’est aussi ça, l’exemple donné à la jeunesse reléguée de la ville.
Tout s’enchaîne maintenant très vite. Le clivage, malheureusement, n’est pas seulement entre élites et tous les autres. Il semble tous azimuts. Notre société est clivée comme jamais. Le clivage le plus prégnant est peut être bien celui qui s’illustre au travers de cette énième réforme des retraites. C’est un clivage entre vieux (retraité, pré-retraité voire qui a une chance d’avoir sa retraite) et jeune qui cherche un boulot. Un clivage entre ceux qui ont comme acquis et bénéfice (boulot, maison, retraite) « trente ans » de quasi plein emploi et ceux (plus jeunes) qui vont avoir le recalage d’un pays comme la France passant de 4ième puissance mondiale à …..?! Le problème du clivage entre générations, c’est aussi un clivage entre une société en plein métissage et une pas métissée du tout. C’est dans cette dernière société que se condense tous les acquis/bénéfices. C’est aussi dans cette société que se trouvent les élites. Nous entrons dans une guerre civile larvée, et c’est la seule option qui reste à ce pouvoir pour se maintenir là où il se trouve. Pour faire court, les vieux sont de plus en plus conservateurs et les jeunes de moins en moins votants…
Je me permets à titre d’exemple de vous glisser une vision de ce que l’on peut voir chaque jour à Paris. On peut assister à la même scène dans les arrondissements centraux qui mêlent sites touristiques et activité tertiaire. Beaucoup de gens travaillent à Paris, mais n’y habitent pas. De plus en plus souvent, on voit des groupes très importants de personnes âgées. Ce sont des gens qui, très naturellement, viennent visiter la Capitale. Cependant, le contraste est frappant, notamment à l’heure du déjeuner, entre ces groupes déambulant pacifiquement dans les rues et les personnes plus jeunes qui s’activent pendant leurs pauses pour aller se chercher un sandwich…
L’autre grand clivage, c’est encore celui entre les femmes et les hommes. A présent, les chiffres sont catastrophiques s’agissant des revenus, pas seulement à qualification égale, mais au niveau de l’employabilité et de la rémunération induite.
Clairement, une partie importante des femmes françaises sont dans le tiers-monde du sous-emploi, de plus, greffé à la situation des hommes. Toutes les réformes néolibérales dont le but étaient d’assouplir les conditions de travail n’ont fait que tiers-mondialiser les femmes françaises. Le comble, c’est quand elles occupent des emplois dans la distribution. Car elles assistent de plein pied à un monde dans lequel elles sont de moins en moins conviées. Ce sont ces mêmes femmes qui devraient être pénalisées par la réforme Woerth des retraites, si par malheur elles sont jeunes et qu’elles envisagent d’avoir des enfants….
@ Linca : c’est vrai que la rumeur court depuis des décennies sur ces pizzerias, mais jamais aucune preuve judiciaire n’a été apportée pour les dernières années de la réalité d’une implication massive des mafias italiennes à Grenoble. En tout cas, c’est un lieu commun grenoblois, vous avez raison, qui peut jouer sur les jeunes des quartiers. L’effet Scarface en somme.
@ Eonubes :les divisions de la société française sont bien sûr nombreuses, mais elles pourraient avoir des effets limités pourvu que les élites politiques et administratives prennent un peu plus la mesure des problèmes. Le choix du chômage ou de la précarisation des jeunes par exemple se trouve être la conséquence d’un certain type d’insertion de la France dans la division internationale du travail et d’un certain système de formation. Seuls les élites pourraient en pratique organiser les choses autrement, encore faudrait-il qu’elles pensent à d’autres solutions que leurs routines actuelles.
Rien ne vaut une petite discussion estivale marquée par la chaleur et la poire pour se détendre…
« Les élites » sont sensibles aux sirènes du néo libéralisme dont l’exécution théorique parfaite ne peut que nous convaincre de son bien fondé… A Sciences Po (Grenoble) d’ailleurs (bien que l’on ne puisse véritablement taxer l’ensemble des enseignants de tropisme libéral), certains d’entre eux prêchent un libéralisme débridé, une obéissance absolue aux règles de l’OMC, une croyance quasi religieuse en la sainte règle de l’offre et de la demande. Tout s’équilibre, l’on vous dit, c’est mathématique.
Lors d’un cours sur les politiques sociales de l’UE (ahah), l’intervenant nous explique que les peurs précédant l’élargissement (dumping social, délocalisations) se sont révélées infondées, en réalité, tout va pour le mieux dans la meilleure Europe possible : les usines ne sont pas parties en République Tchèque, mais beaucoup plus à l’Est : en Chine!
Moyennement rassuré par ces considérations, je lui objecte que des ouvriers français se sont vus proposer des postes aux salaires dérisoires dans la banlieue de Varsovie par des patrons pour le moins responsables et compréhensifs.
Réponse de l’intervenant : « oui c’est vrai… c’est vrai… mais… c’est un phénomène mineur »…
Mineur, le mot est bien trouvé pour désigner cette catégorie de population qui ne bénéficie pas de la globalisation comme promis. Il y aura nécessairement des ajustements… Quelles sont les variables? les Hommes bien sûr; quelques chiffres seulement, mais tout est mathématique…
Mon dernier partiel de l’IEP portait sur « la fin du service public à la française ». Connaissant l’enseignant depuis quelques temps et ses idées sur la question, j’ai écrit un plaidoyer virulent pour la privatisation, la rentabilisation. Non, le service public n’est pas mort, il évolue simplement vers une plus grande efficience!
J’ai dû mentir pour plaire aux sirènes encore une fois. J’ai cartonné je peux vous le dire.
Tiens, David Cameron pense que des associations bénévoles pourraient s’occuper des services publics comme la poste. Absolutely Brilliant.
@ MEurope : même si cela vous a été désagréable, reconnaissez tout de même que chaque enseignant a droit à sa liberté d’appréciation sur les évolutions de la société. De ce point de vue, à l’IEP de Grenoble, vous pouvez vous féliciter d’avoir bénéficié d’un enseignement pluraliste. Votre petit exemple de mensonge délibéré pour avoir une bonne note montre que cela n’empêche pas l’esprit critique. Cela me rassure plutôt. Bien sûr, il serait mieux de pouvoir écrire ce que l’on pense, mais c’est la faute de l’enseignant de ne pas faire preuve d’ouverture d’esprit, ce n’est pas la vôtre.
Sur l’Europe sociale, je suis d’accord; c’est l’échec majeur de la construction européenne, et ce n’est pas un échec mineur, mais admettre ce point suppose d’être un vrai néolibéral, de ne pas se cacher derrière une fausse pudeur chrétienne-démocrate ou social-démocrate!
En même temps, je trouve toujours piquant ces collègues fonctionnaires d’État qui scient avec application la branche sur laquelle ils sont assis. Quand il n’y aura plus d’État à l’ancienne, que le néolibéralisme aura réalisé l’ensemble de son programme en matière de réorganisation sociale autour de la seule concurrence, il n’y aura plus non plus la place dans ce qui prendra la place de la vie académique pour des enseignants prêchant quelque idée que ce soit qui ne soit pas simplement technique. Heureusement, en pratique, même les écoles de gestion se rendent compte que la culture générale importe dans la réussite professionnelle.
Pour les projets de David Cameron sur les services publics, j’hésite entre le retour au bon vieux patronage, l’autogestion, et le n’importe quoi! En tout cas, la Grande-Bretagne va encore une fois jouer au laboratoire du futur…
Dire que j’ai raté ça… parce que, pendant que vous devisiez gentiment de l’avenir du monde, j’essayais vainement de prendre un train qui me ramène d’abord à Lyon depuis cette jolie région de moyenne montagne, comme on dit dans le Tour de France (ce fut finalement un car fort sympathique, mais un peu long) !
PS : Sinon, j’espère que tu t’es remis de ta popularité soudaine : désormais, il faut que dans chaque titre de chronique, il y ait le mot « Sarkozy »… Cela marche aussi avec n’importe quel mot licencieux !
@ Laurent W : eh oui, ce fut un beau spectacle, mais ce ne fut pas très gentil, nous en étions presque aux grands mots … j’en étouffais un peu de rage contenue… cela m’a gâché la fin du séjour.
Pour ce qui est de l’utilisation de « Sarkozy » dans les titres, c’est sans doute vrai…
Par ailleurs, j’y repensais hier, et je me disais que tu représentais finalement tout l’intérêt des sciences économiques et sociales même si tu as quitté cette discipline il y a de nombreuses années : les connaissances combinées en économie, en sociologie et en science politique permettent justement de tenir la dragée haute à n’importe qui sur de nombreuses thématiques. Et c’est précisément ça que les programmes actuels remettent en cause (avec l’appui de nombre d’universitaires) en autonomisant chaque discipline et en refusant le lien autour de thématiques. Et c’est d’une grande tristesse…
@ Laurent W : merci du compliment… Je me sens effectivement lié à cette bonne vieille idée des « sciences économiques et sociales », issue de la réflexion d’un géographe comme Marcel Roncayolo par exemple. Je sais bien que ma (dé)formation est liée à un projet intellectuel et politique en ce sens muri dans les années 1970 et mis en œuvre institutionnellement au début des années 1980.
Le refus du mélange des disciplines par les universitaires ne date pas d’hier… , mais il s’accentue effectivement à en juger du nouveau programme de SES. Je n’ai pas réagi dessus, dans le mesure où, avec son accent mis sur la microéconomie standard, je ne voyais qu’une réaction possible de la part des enseignants : la reformulation ironique à la Yes Men.
Je suis assez choqué par la teneur de vos propos, ainsi que de celle des commentateurs étudiants.
En effet, vous semblez adopter la même posture élitiste de l’ensemble du monde universitaire français, c’est à dire l’idée selon laquelle les solutions devraient venir d’une élite « bien formée » aux bons vieux principes interventionnistes de la gauche.
Cette posture intellectuelle, qui apparaît séduisante à une bonne partie des étudiants, en raison de son caractère pseudo rebelle (car, en réalité, l’ensemble des décideurs ne sont pas néo-libéraux, mais interventionnistes) est complètement déconnectée de la réalité à savoir un accroissement de la dépense publique, l’inflation législative, l’inflation de taxes, et même l’augmentation des régulations au niveau mondial. Nous en sommes arrivé à un stade où nos dirigeants dépensent plus de la moitié de la richesse produite en France.
En réalité, le « mainstream », c’est vous et cette élite de gauche, qui, dans sa condescendance ne fait pas confiance aux citoyens et à leurs choix individuels pour résoudre les problèmes sociaux tels que le chômage, les délocalisations… (on a jamais eu autant de problèmes sociaux aujourd’hui, alors même qu’on a jamais eu autant d’agences étatiques pour se charger du problème).
Jusqu’à maintenant, ce ne sont pas les universitaires, les hauts-fonctionnaires qui ont créé des emplois en France, mais les entrepreneurs, les chefs d’entreprise qui ont échappé à l’enseignement marxiste dominant dans le monde universitaire français qui explique en partie le marasme dans lequel notre pays est.
Cette tentative d’endoctrinement des étudiants, je l’ai moi même vécu à Sciences-Po Grenoble en devant systématiquement (quelques rares exceptions) vénérer l’État et son élite contre le supposé marché mondialisé destructeur d’emplois.
Donc, je pense que le haut fonctionnaire à qui vous avez eu affaire était plutôt une exception qu’une règle. On aimerait que nos élites soient aussi libérales que ce Monsieur rencontré au détour d’un banquet estival…
@ Un étudiant : je pense que vous confondez trois lignes politiques.
Il existe d’une part le néo-libéralisme, soit l’intervention des autorités de l’État en faveur d’une solution de tous les problèmes économiques et sociaux via un marché libre. Le marché, qui est la solution comme dirait M. Thatcher & Cie, est créé et garanti par l’État. Cela peut donner lieu effectivement à des nouvelles règlementations : par exemple, quand un politique propose d’introduire en France une assurance obligatoire de chaque personne de plus de 50 ans contre le « risque de dépendance », il est clairement dans l’approche néo-libérale des problèmes économiques et sociaux. Une fois l’obligation posée, le marché va apporter par la concurrence la meilleure solution, et ajuster les moyens économiques et les besoins des individus concernés. C’est aussi l’approche finalement choisie pour la réforme de l’assurance-maladie aux Etats-Unis sous Obama. L’obligation pour tous de s’assurer, mais le choix de l’assurance sur le marché le plus concurrentiel possible surveillé par l’État.
Cette approche est dominante chez les (relativement jeunes) hauts-fonctionnaires de l’État français depuis le milieu des années 1980. La personne avec laquelle j’ai parlé se trouve d’ailleurs en charge de surveiller un marché sensible.
Il existe ensuite l’approche social-démocrate (marxiste pour vous!), qui elle souligne traditionnellement que les problèmes sociaux et économiques ne trouvent pas nécessairement leur solution dans la création d’un marché. Cela suppose une intervention directe de l’État, ou d’organismes subventionnés par l’État. Cette approche est en perte de vitesse au sein de la haute fonction publique française, mais effectivement possède sans doute ses partisans chez des vieux universitaires un peu croutons dans mon genre… qui ne sont pas convaincus du tout par les solutions (exclusivement) marchandes du dernier quart de siècle. En matière de logement par exemple, le néolibéralisme, qui a inspiré les 25 dernières années de politique publique en matière de logement, n’est pour le moins pas une grande réussite.
Enfin, il existe à mon sens votre approche qu’on peut appeler « libertarienne », qui effectivement possède le droit de souligner que les deux précédentes sont interventionnistes.Elle n’est appliquée en pratique dans aucune politique publique. Il se trouve de fait qu’il est sans doute contradictoire de tenir une telle position libertarienne dans le cadre d’un enseignement dans un Institut d’études politiques, préparant les étudiants entre autre à rentrer au service de l’État, de collectivités locales, ou d’entreprises telles qu’elles sont imbriquées avec le droit de l’État. Si j’ai bien compris l’approche libertarienne, elle suppose une totale liberté de tous les marchés, sans intervention a priori de l’État, le marché trouvant en lui-même des solutions à ses difficultés.
Bref, ne vous rangez pas si vite sous la bannière de notre haute fonction publique néo-libérale, elle s’avèrera aussi régulatrice que les « marxistes » pour reprendre votre terme.
Pour ce qui est de la création de richesses par les seules entreprises, je suis en désaccord profond : il leur faut un contexte favorable (par exemple le fait que les populations savent lire, écrire et compter), créé soit spontanément par par la société, soit par une intervention de l’État.
En tout cas, ce haut fonctionnaire ne connait pas Marx…