Pluralisme sur les retraites… sur France-Inter.

Ce matin, sur France-Inter, un peu avant 9 heures, je crois bien avoir entendu un débat express  sur les retraites… Enfin, un débat, c’est beaucoup dire, un chœur de pleureuses plutôt… Les invités étaient Louis Chauvel, Nicolas Baverez, et Jean-Marie Colombani. Le moins que l’on puisse dire, c’est que,  si l’on attend d’un débat un pluralisme des opinions qui y sont présentés par les invités d’un média, et si l’on entend par pluralisme, divergences nettes d’analyse sur un sujet, le dit débat manquait un tout petit peu du pluralisme attendu.  En résumé, selon nos trois penseurs, il faut réformer les retraites; mais on ne réforme pas encore assez à leur goût; les retraités actuels sont en effet « la génération française la plus favorisée depuis Cro-Magnon » (sic, du Louis Chauvel dans le texte); et les jeunes, c’est-à-dire tous ceux entrés sur le marché du travail depuis 1985, seront les victimes de ce processus de réforme qui ne va pas encore assez loin. Pleurez les jeunes, vous n’aurez rien, vous payez pour ces crapules de vieux!(Propos qui m’amusent toujours venant de personnes, pour deux d’entre elles au moins, dont je soupçonne fort qu’elles ne devraient pas finir à la soupe populaire sur leurs vieux jours, grâce justement à tout ce qu’elles reprochent aux vieux d’avoir fait, soit accumuler du capital et/ou des droits).

Bon, je suppose que cela correspond à une certaine remise en ordre de France-Inter. En même temps, à ce point-là, cela en devient un peu ridicule. C’est tout de même plus drôle sur Radio-Classique, ou BFM. Philippe Tesson reste tout de même indépassable dans le genre.

Plus sérieusement, ce que j’apprécie beaucoup dans ce genre de penseurs, c’est leur infinie capacité à confondre les effets et les causes. Toutes les données publiques à la disposition des chercheurs, des journalistes,  et toute la perception du sens commun, montrent qu’effectivement l’insertion professionnelle (et plus largement sociale) des jeunes générations de salariés s’est fortement dégradé depuis au moins le début des années 1980. Sur ce point, nos penseurs n’ont pas tort, mais ils en attribuent  la faute à une mauvaise répartition des charges entre les générations. Les charges pour payer les retraites (et la santé) des vieux écrasent les jeunes. La France aurait sacrifié sa jeunesse, guidé qu’elle se trouve être par une bande de vieux élus irresponsables portés aux affaires par des vieux électeurs. Les jeunes d’aujourd’hui sont censés payer à fonds perdus les retraites des vieux privilégiés d’aujourd’hui. Qui, vu par L. Chauvel, semblent être tous des vieux (mâles) propriétaires, anciens cadres supérieurs chez IBM ou l’Oréal, vivant dans les Yvelines ou sur la Côte vendéenne, et passant leur temps à découper leurs coupons  sur leurs actions (image vieillie tout de même, que j’ajoute pour faire bonne mesure). Jeunes de tous les pays, damnés de la terre, unissez-vous contre tous les vieillards!

Mais nos braves penseurs semblent incapables de se demander pourquoi diable les jeunes français ont eu de plus en plus de mal à trouver un travail stable et bien rémunéré à compter du début des années 1980. Sans aller chercher trop loin, on pourrait aussi se dire que les transformations de l’économie française, et surtout de sa place dans la division internationale du travail, constituent la cause réelle de cette dégradation – qu’on observe d’ailleurs dans d’autres pays européens d’Europe du sud avec une acuité encore plus grande (la fameuse « génération mille euros » en Italie). Mais poser ce genre de question reviendrait bien sûr  à ouvrir une boîte de Pandore qui, de bon matin, pourrait troubler le sommeil dogmatique de l’auditeur de France-Inter.

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