Irlande… Tout va très bien, Madame la Marquise…

32% de déficit public calculé en part du PIB en 2010 pour un État membre de l’Union européenne et de la zone Euro : l’Irlande. Record battu! Plus de 10 fois le seuil officiellement souhaité par les traités européens de 3%! Qui dit mieux! Et 20% en plus de déficit calculé en part du PIB  annoncé d’un coup!

Cette crise économique réserve de belles surprises tout de même. En entendant ce chiffre lors d’un journal télévisé, je n’en croyais pas mes oreilles croyant à une inexactitude : or les responsables de l’État irlandais auraient  effectivement annoncé ces jours-ci qu’à force de secourir quelques banques pourries jusqu’à l’os (à tous les sens du terme) – pour qu’elles ne fassent pas faillite entrainant dans leur chute tout ou partie du système financier mondial  – son déficit courant sur l’année 2010 va bondir (comme un tigre!) des un peu plus de 11% prévus jusqu’au seuil inimaginable de 32% du PIB (cf. l’article du Figaro du 30 septembre 2010, confirmé par un article dans Libération du 1er octobre 2010, qui citent tous deux ce chiffre de 32%, et encore s’agit-il d’une prévision qui peut être démentie si le PIB diminuait). Le sauvetage de la  banque la  plus en difficulté coûterait entre 29 et 33 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un tiers de budget annuel de l’Union européenne….. ?!? Il y a en fait de quoi être interloqué.

Le scandale du Crédit Lyonnais du début des années 1990 apparait du coup comme rétréci par les années.   Le calme  sur les marchés et la faible réaction de la presse européenne montrent que cette dérive des comptes publics de l’Irlande avait été  déjà été largement révélée  par les autorités irlandaises dans les mois et semaines précédentes à  leurs partenaires européens et à la BCE, ainsi que discrètement aux agences de notation et aux marchés financiers. En effet, personne ne semble s’affoler, Jean-Claude Juncker se permet même de faire le matamore au nom de l’Irlande qui évidemment n’aura pas besoin d’aide européenne. Surtout l’État irlandais a pris soin  avant d’officialiser l’abîme qui s’est ouvert dans ses comptes  de pouvoir honorer tous ses engagements sur les marchés  jusqu’en 2011. Par contre,  il promet encore et encore de l’austérité à ses citoyens – qui sont donc appelés à payer la crise  bancaire irlandaise à 100% (plus les intérêts à venir sur la dette publique ainsi créée).

En fait, les derniers prévenus du désastre sont sans doute les Irlandais ordinaires eux-mêmes. Pour l’instant, ces derniers ne semblent pas réagir à la hauteur  de l’événement  dont ils semblent bien être les victimes. Les Islandais dans une situation très similaire s’étaient révolté, avaient obligé à des  élections,  avaient changé de gouvernement, avaient  eu la faculté de repousser les demandes les plus exorbitantes lors d’un référendum, avaient eu droit dans un délais record à un rapport de sages faisant le point sur les raisons du désastre, et ils semblent même décidés à juger quelques responsables politiques et économiques de ce dernier (même si cela ne plait pas à un éditorialiste de Breaking News dont le Monde publie les propos). En Irlande, pour l’heure, il ne semble pas que les forces politiques qui ont occupé le pouvoir au moment où la bulle spéculative se formait aient quitté la scène… Rien ne semble devoir se passer : comme depuis le début de la crise, les Irlandais vont rester bien sages, un véritable modèle de peuple responsable pour les autorités en charge de la gouvernance européenne, et ils vont pour la plupart payer l’addition de quelques-uns – enfin, les Irlandais qui n’auront pas pris le soin de partir loin de tout cela.

Si cette apathie populaire devait continuer encore longtemps, une telle situation devrait faire méditer sur la nature contemporaine de nos démocraties. Pacifier les sociétés par la démocratie, c’est fort bien; les rendre abouliques à ce point-là, je ne suis pas sûr que cela soit souhaitable.

Quant à l’Union européenne et sa gouvernance économique, qui ne voit pas que les folies irlandaises dans l’immobilier – au fondement de la crise bancaire selon ce que j’ai pu lire – constituent le résultat inévitable d’une monnaie unique à taux d’intérêt unique avec des niveaux d’inflation durablement différents selon les pays.  Il semble que l’apparition de bulles spéculatives sur les actifs sera surveillée dans le futur par les trois autorités de régulation européennes de la finance encore à mettre en place, mais fallait-il aller dans le mur pour vérifier que ce problème existait bel et bien comme le disaient certains économistes depuis au moins une décennie?

2 réponses à “Irlande… Tout va très bien, Madame la Marquise…

  1. CE qui me choque le plus finalement, c’est qu’il ne semble exister qu’une seule solution de refinancement : les taxpayers. En effet, pourquoi ne pas mettre en place un rééchelonnement de la dette et s’attaquer un peu aux propriétaires des « bonds », en divisant leur valeur par deux ou trois…La « volatilité », la « confiance » des marchés sont-elles donc des freins à l’action politique si puissants? Pourtant, on n’imagine mal une attaque sur la dette souveraine de l’Irlande pour cause de « haircut » de la Anglo-Irish Bank, la solution de nationaliser les dettes n’est pas la plus viable ni politiquement, ni économiquement (annonce successive de prévisions de croissance à la baisse…). Et puis, il faut peut être aussi s’interroger sur les variables culturelles : l’Irlande pays low-tax pour sièges multi-nationaux parlant anglais (bon, ils ont leur folklore, mais il est pardonné depuis longtemps) semble mieux conserver la « confiance des investisseurs » que la Grèce, pays du Sud, corrompu, farniente et huile d’olive??? La réévaluation de la dette publique grecque était moins importante, mais elle a provoqué une série de baisse de notation plus intense que l’Irlande.

  2. @MrMiettte (avec trois t?) : il est certain que, pour l’instant, on observe bien deux poids, deux mesures, dans les réactions face à la crise grecque et à la crise irlandaise. Effectivement, l’Irlande a été le lieu privilégié d’entrée du capital nord-américain sur le Marché Unique, en particulier en raison de son taux d’imposition sur les bénéfices (12,5%), ce qui lui attribue sans doute un préjugé favorable de la part des « marchés ». Par ailleurs, d’après ce que j’ai pu lire, j’ai l’impression aussi que les élites politico-financières irlandaises sont bien plus cohésives que les élites grecques. En Grèce, le PASOK et NeaDemokratia depuis le retour à la démocratie n’ont eu de cesse de tuer le camp adverse, et le drame a commencé à cause de la volonté du PASOK de faire le jour sur les mensonges du gouvernement sortant de ND. En Irlande, vu de ce qu’en raconte la presse internationale, il existerait une solide collusion de tous les grands acteurs… une seule maffia au lieu de deux… L’opposition y semble totalement atone.

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