Notre bon ami le satrape…

Photo prise le 30 août 2010  par  Ansa/Alessandra di Meo.

Apparemment, cela chauffe dans les rues de son pays pour notre bon ami le satrape libyen… Et, quoiqu’il arrive à ce stade, ses nouveaux amis européens vont y perdre quelque plumes.

Hypothèse 1 : le régime du satrape tombe – c’est au moins dans un premier temps le chaos en Libye – les nouveaux amis du ci-devant satrape doivent justifier aux yeux du monde leur récente amitié avec l’acariâtre satrape. Les nouveaux dirigeants libyens quel qu’ils soient s’avèrent moins accommodants que le satrape déchu: ils se montrent plus durs en affaires, ce qui peut toutefois se gérer, et surtout ne nous servent plus aussi bien de garde-frontière contre « toute la misère du monde », nous renvoyant dans les cordes de nos propres valeurs.

Hypothèse 2 : le satrape, qui en a tout de même vu d’autres depuis 1969, écrase les rebelles façon Saddam Hussein en 1991 avec l’insurrection chiite dans le sud de l’Irak  ou à la manière du vieil el-Assad  en Syrie contre les islamistes en 1982, en ne lésinant sur la grande faucheuse – l’Europe frigide et impuissante  en reste of course à des dénonciations  selon lesquelles il n’est pas bien d’agir ainsi, et se voit obligée d’accueillir de bien mauvaise grâce quelques fuyards rescapés des massacres  – et, nous voilà, à devoir cohabiter pour longtemps avec un régime à peu prés aussi proche de nos valeurs officielles (à savoir Droits de l’homme, etc.) que celui de la Corée du Nord ou du défunt « Kampuchea démocratique ».  Il sera en effet ensuite difficile de faire semblant de croire que le dit satrape était un temps devenu l’homme le plus fréquentable qui soit, avec ses petits manies étranges et exotiques certes, mais devenu fréquentable à ce moment-là, vous dit-on. Le fils du dit satrape, qui s’est exprimé récemment avec désinvolture, ajouterait un style maffieux à la gouvernance du pays qui n’arrangerait rien, s’il remplaçait son cher père. Parce que l’opinion publique, en Europe et aussi dans le monde arabe, va être choquée du côté boucher de Tripoli de notre satrape, il va falloir (ré)imposer des sanctions, tout en s’assurant tout de même que le pétrole et le gaz libyens continuent à nous arriver, mais pas par contre ces « millions de noirs » (sic) que nous a déjà promis il y a quelques temps le dit satrape en représailles si nos pays ne se conduisaient pas généreusement à son égard.

Magnifique que tout cela. Silvio Berlusconi n’avait sans doute pas besoin de cela pour redorer son blason. Le satrape s’était déjà permis lors d’une de ses visites dans le pays de Dante d’humilier l’Italie en affichant sur sa veste de maréchal d’opérette une photo d’un massacre commis par les soldats italiens dans  son pays pendant la période coloniale. Quant à notre Président de la République, il est sans doute en droit de piquer une colère homérique contre ceux qui lui ont conseillé d’aller se mettre dans une telle situation. Quelle belle idée tout de même que l’Union pour la Méditerranée … vraiment géniale. J’ai toujours trouvé l’idée indécente, mais que cela tourne ainsi, j’en reste moi-même surpris.

Plus généralement, l’Union européenne ferait bien de revenir à une bonne vieille realpolitik, où l’on peut certes commercer et discuter avec les satrapes du jour dans l’espoir lointain de les affaiblir à terme (comme disait Lénine, « les capitalistes nous vendront la corde pour les pendre », on sait comment cela a fini pour les héritiers du dit Lénine), mais où l’on ne saurait jamais leur donner plus. La froideur – et non l’amitié mise en scène devant les caméras –  en relations internationales devrait redevenir une vertu cardinale des démocraties.

Ps. A l’homme politique français, ministre de la République, ayant dit que le satrape avait changé, la preuve en étant qu’il lisait désormais Montesquieu, rappelons que, selon le dit auteur, « Comme il faut de la vertu dans une république, et dans une monarchie de l’honneur, il faut de la CRAINTE dans un gouvernement despotique (…) » (Montesquieu, De l’esprit des lois, Livre III, Chapitre IX. Du principe du gouvernement despotique, p. 150 de l’édition Garnier-Flammarion, 1979)  CQFD. Notre satrape applique effectivement son Montesquieu.

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