Le bel avenir de la droite.

Attention, le titre de ce post n’est pas ironique! Au vu du résultat des élections cantonales cuvée 2011,  la droite  française ne doit surtout pas désespérer de son avenir à moyen terme.

Bien sûr, dans l’immédiat, il s’agit d’une  claire défaite (surtout estimée en pourcentages nationaux au 1er tour), et cela n’augure  sans doute rien de bon pour l’élection présidentielle de 2012 – sauf si, en face, une machine à perdre se met à fonctionner à plein régime, ce qui n’est pas du tout à exclure. Mais les résultats de ces cantonales, surtout estimés en sièges et en départements, ne montrent aucune tendance à l’écroulement. La droite française, ce n’est pas le Fianna Fail irlandais! Au final, en nombre de départements, l’opposition de gauche progresse peu (4 présidences supplémentaires normalement), et la droite réussit même à conquérir une majorité départementale (le Val d’Oise). Ces élections cantonales montrent donc que la droite conserve un solide enracinement dans le pays, certes parmi la minorité des électeurs qui vont voter lors d’une telle élection locale sans presque aucune mobilisation nationale des électeurs (avec en plus un contexte médiatique particulièrement défavorable), autrement dit parmi les électeurs qui constituent le cœur de la France civique au sens traditionnel du terme (ceux qui vont voter quoiqu’il arrive). Dans une conjoncture aussi désastreuse pour la majorité au pouvoir national depuis 2002 – quatre années d’exercice brouillon du pouvoir par N. Sarkozy, et  une accentuation depuis 2008 de la  crise économique et sociale que vit le pays depuis 1973-74 -, la droite résiste plutôt bien dans ses territoires de prédilection.

Surtout quelques signes montrent que, dans ses purs bastions sociologiques, elle montre même une capacité de renouvellement. Je pense à ces victoires d’indépendants de droite dans les Hauts-de-Seine au cœur même du « Royaume », et aussi de manière plus lyonnaise à la défaite de Dominique Perben à Lyon contre Jean-Jacques David, le maire divers – droite du 6ème arrondissement de Lyon. Cette défaite (45,9% au sortant UMP contre 54,1% au divers droite) dans un contexte de très faible participation au second tour (33,7%) est explicable : depuis sa défaite comme tête de liste de l’UMP lors des municipales de 2008, D. Perben n’avait vraiment plus rien à offrir comme perspectives à la droite locale. Bon débarras. Le maire d’arrondissement  avait de fait l’avantage d’être par définition engagé au niveau local. Il est aussi possible que l’électeur de droite de ce canton imprenable par la gauche ait trouvé dans le vote pour le maire d’arrondissement un moyen de rester de droite tout en cassant du sucre sur le dos de l’UMP.  (L’électeur du FN a aussi pu apprécier le côté droite de droite de l’élu municipal. L’électeur de gauche lui a dû s’abstenir ou voter blanc.) Ainsi, il me semble que les premiers signes de ce qui sera le renouvellement de la droite après 2012 apparaissent déjà. En cas de défaite de N. Sarkozy lors de la prochaine présidentielle, l’épisode qu’il représentera alors sera soldé rapidement au profit d’une droite qui se reconstruira en opposition d’image à la déviation sarkozyste. On changera de nom encore une fois.

Cette renaissance sera d’autant plus facile que la gauche, revenue au pouvoir en 2012 probablement sur la foi d’un enthousiasme très modéré des Français pour l’élu(e) à la Présidence, ne manquera pas en gouvernant de nouveau de devoir choquer les fondamentaux de cette même droite : changer (même de manière moderne) la répartition de la charge fiscale au détriment du capital, remettre à plat la politique du logement, avancer sur des questions de société, etc. . Ne serait-ce que sur les impôts ou sur une éventuelle taxe carbone il y aura largement de quoi réveiller les morts…

Et le FN, me direz-vous? Malgré tout le discours sur la « vague Marine » et les sondages qui en rajoutent (quoiqu’à vrai dire, ils offrent plus d’incertitudes que de certitudes), ce parti extrémiste ne gagne que 2 duels de second tour sur les 400 auxquels il a réussi à participer. Son  entrée dans les institutions électives de la République française reste donc toujours au même point mort qu’il y a vingt ans :  lorsque le scrutin majoritaire à deux tours existe, l’entrée en force dans les institutions demeure impossible à toute force entrante qui ne se trouve sans alliés. Pour l’instant, rien, rationnellement, ne devrait inciter la droite à partager le gâteau avec l’extrême-droite. Il lui suffit de laisser passer 2012, et d’attendre que les premières bourdes (inévitables) de la gauche revenue au gouvernement lui ramènent les électeurs. La droite aura-t-elle collectivement les nerfs assez solides pour ne pas faire l’erreur d’ouvrir sa bergerie à la louve frontiste?  Dans un système politique comme le nôtre où le scrutin à deux tours domine, une telle coalition droite-extrême droite signifie une alliance de longue durée dont on ne sort pas facilement, comme le montre d’ailleurs encore à cette élection les difficultés (pour ne pas dire plus) du Modem (ex-Udf) ou, inversement, les dynamiques concurrentielles/coopératives au sein de la gauche.

En attendant, comme il faut bien faire carrière, et que le moyen terme, c’est loin, les esprits s’échauffent et les tentations vont monter.

Ps. Hier, en fin d’après-midi, mercredi 30 mars 2011, j’ai réussi à assister à l’IEP de Grenoble (Amphi D) à la présentation de mon collègue Pierre Martin et de l’un de ses doctorants, Simon Labouret, sur le second tour des cantonales. Le public était un peu clairsemé et surtout âgé!, mais visiblement passionné et réactif. Pierre Martin nous a démontré par a+b que, décidément, au regard de l’histoire électorale du FN depuis les années 1980, les commentaires  sur une percée extraordinaire de ce dernier étaient fort excessifs, que, du point de vue, des équilibres électoraux, il restait « diabolisé », ce que montre d’évidence son incapacité à remporter plus de 2 duels sur un peu plus de 400 dans lesquels il se trouvait engagé, et aussi que la droite, loin d’être tenue à bout de bras par les électeurs du FN en cas de duel avec la gauche, subissait clairement une sanction des électeurs FN du premier tour. Sur le cas des cantons renouvelables de l’Isère qu’il a tous étudiés un à un, Simon Labouret nous a fait remarquer l’augmentation concomitante des blancs et nuls dans les zones rurales quand le FN avait fait un bon score au premier tour et n’était pas présent au second tour, indice d’un refus de voter à droite (ou a fortiori à gauche) pour des électeurs cependant participationnistes en raison du contexte micro-social dans lequel ils s’insèrent.

En fait, cette élection est du coup le cas de deux stratégies qui ne fonctionnent pas (ou plus) : celle de pêche aux voix frontistes mise en œuvre par N. Sarkozy depuis le « discours de Grenoble » – les électeurs FN sont vraiment fâchés! – et qui avait marché à la présidentielle de 2007 ; et celle de « dé-diabolisation » menée par la direction actuelle du FN. Finalement, personne n’est dupe de part et d’autre. Les analyses de P. Martin et S. Labouret indiquent donc que, rationnellement,  vu depuis les cantonales, la droite n’a vraiment rien à gagner à une alliance avec le  FN.

3 réponses à “Le bel avenir de la droite.

  1. … et ne ratez pas Simon sur les plateaux électoraux de France 3 Alpes, il est très bon dans son rôle !

  2. Cher Professeur Bouillaud,

    Je vous rappelle que lors du séminaire que vous donniez en SGC pour la promotion 2009-10, vous estimiez que la gauche reviendrait au pouvoir en 2022… Qu’est ce qui motive donc votre si soudain changement de point de vue?

    A votre avis, Sarkozy est-il vraiment fini, et le peuple de droite qui semble fâché avec son président, peut-il retourner voter massivement pour lui en 2012 (autant celui de la droite classique que celui ayant voté FN en 2007)?

  3. @ La Réaction : c’est vrai qu’en 2009-10, je me gaussais de l’incapacité de la gauche de gouvernement de trouver le ton juste dans son travail d’opposition, d’où mes blagues faciles sur le retour de la gauche au pouvoir, seulement en 2022, et il faut bien le dire sur ce point, les choses à gauche ne se sont guère améliorées depuis : le PS a bien gagné toutes les élections intermédiaires, mais ce parti ne donne guère le sentiment de proposer un grand élan au pays pour 2012. De fait, le personnel politique de premier plan de la gauche de gouvernement ne fait vraiment pas rêver (encore en cette fin de printemps 2011).

    Par contre, la différence par rapport à 2009-10, c’est l’écroulement de la popularité présidentielle, lié sans doute à la crise économique persistante, et à une usure du personnage Sarkozy. De ce point de vue, la situation de N. Sarkozy semble bien être désespérée, il existe trop de déçus du « sarkozysme » à droite, ces gens-là ne voteront pas pour lui, surtout si le probable vainqueur à gauche est DSK, et pire encore s’il existe d’autres candidats de droite pour s’exprimer, mais, si vous lisez bien mon post, à l’occasion de ces dernières cantonales, je remarque surtout que la sociologie électorale de la droite républicaine reste plus solide qu’on ne l’a dit dans la presse : il existe sans doute une capacité de rebond, une fois l’aventure Sarkozy terminée en 2012, et cette capacité de rebond mettra à rude épreuve un Président et un gouvernement de gauche, élus sans doute sans grand enthousiasme populaire en 2012.

    Donc, sur un point, je n’ai vraiment pas changé : l’opposition peut vraiment « mieux faire ».

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