Les marchés ne prennent pas de vacances!

Vraiment les « marchés » (financiers) sont des salauds, des ordures, des vandales, des bachibouzouks, pour tout dire des déchets de l’humanité qui ne valent même pas la corde pour les pendre. Certes, on (les gens ordinaires qui ne sont pas des opérateurs de marché) s’en doutait un peu, mais, là franchement, continuer les mouvements spéculatifs contre les titres publics de certains « PIIGS » (Portugal, Ireland, Italy, Greece, Spain) en plein été, c’est vachard comme tout, surtout pour nos pauvres gouvernants (et leurs sherpas respectifs) qui auraient besoin de souffler eux aussi. Les marchés (les « gnomes de Londres » comme disait l’autre) s’en prennent désormais à la dette italienne et à la dette espagnole. Ils ne semblent pas croire que le plan de sauvetage de la Grèce n’annonce rien de pire à venir. C’est sûr que les différents plans européens depuis le début de la crise donnent une image piteuse de ce qui est possible ou non à ce niveau européen : là, « ensemble tout est [vraiment] possible », donc pourquoi pas un bail-out général payé par Herr Schmidt et Monsieur Dupond?  Il est sûr aussi qu’un Président du Conseil européen se permettant dans une tribune à la presse de comparer sans rire le niveau d’endettement de la Grèce avec celui du… Japon pour confirmer à la cantonade que rien de tout cela  n’est si grave témoigne d’un manque d’à propos certain. Ce qui est sûr en effet, c’est que la Grèce n’est pas le Japon de l’Europe! (Exercice : citez une innovation technologique d’origine grecque des cinquante dernières années… même exercice ensuite pour le Japon. Ne riez pas!)

Pour ce qui est de l’Italie, il faut bien avouer que les « marchés » semblent tout de même bien informés… par la presse italienne, par les économistes italiens, par les centres de recherche italiens, par le patronat et les syndicats italiens. Tout le monde intellectuel italien, qui écrit à destination de l’opinion publique interne dans une optique plus ou moins néolibérale, ne cesse en effet de seriner depuis au moins le début de la décennie 2000 (pas de la décennie 201o…) que l’Italie aurait besoin d’une « révolution libérale » ou de « réformes de structure » pour faire un saut en avant dans une nouvelle forme de croissance économique. Or, depuis 2001, rien ne vient! Cela avait déjà déclenché une crise politique à mi-mandat (2001-2006) au sein de la coalition au pouvoir en 2003. Une des raisons de fond de la rupture Fini/Berlusconi de l’année dernière (2010) était justement le type de politique économique menée depuis 2008, moment du retour au pouvoir de la droite après l’interlude du centre-gauche (2006-2008). Bref, cette histoire de « réformes structurelles à faire pour relancer la croissance » est devenue désormais une vieille histoire. Elle a été renforcée par la politique de rigueur menée par le Ministre de l’Economie italien, Giulio Tremonti, depuis 2008.  Entre les plans triennaux et les collectifs budgétaires d’austérité, les Italiens ont été servis en la matière depuis 2008 (là encore, en France, on se la coule encore douce).  Pressé il y a quelques jours par les « partenaires sociaux » (patronat, syndicats, représentants des commerçants artisans, agriculteurs, etc.) pour une fois unis dans l’inquiétude via une déclaration ad hoc, Silvio Berlusconi doit s’adresser au Parlement italien ce soir même pour essayer de montrer que les fondamentaux de l’économie italienne sont des plus sains et pour annoncer probablement des réformes de structure. Vedremo. Le problème est bien sûr qu’on ne connait pas de grand programme de relance d’une économie qui ne suppose aussi pas un changement de personnel politique. Les épisodes précédents en Italie ont reposé sur une semblable relève de la garde. Or, pour les raisons bien connues tenant à ses rapports tendus avec la magistrature,  il ne fait guère de doute que S. Berlusconi ne veut pas quitter le pouvoir dans de telles conditions  et que le seul départ de G. Tremonti de son poste ne suffira pas à marquer un changement radical. Si j’étais un berlusconien de choc, je pourrais aussi voir dans les attaques sur la dette italienne la preuve d’un complot des « poteri forti » (grands capitalistes) contre mon héros. Hypothèse d’ailleurs qui n’est pas sans fondement : en tout cas, tous ceux qui parlent de l’économie italienne en Italie semblent vouloir  se débarrasser du berlusconisme.

Pour ma part, je ne peux que me rappeler de l’analyse du ministre de centre-gauche en charge des finances italiennes au moment de la période de « qualification pour l’Euro » (1996-1998). Ce dernier  faisait remarquer dans un petit opuscule publié quelques temps plus tard que le succès d’alors a reposé sur la capacité du gouvernement Prodi à faire croire à cette capacité de tenir les comptes publics. Car, il suffit que les marchés croient à l’Italie, pour que cette dernière puisse emprunter moins cher, et donc soit capable de tenir les objectifs fixés par les traités européens. Ce qui est en train de se passer actuellement, c’est exactement l’inverse : les marchés semblent ne plus croire à l’Italie, et, du coup, reviennent à des taux d’intérêts pour détenir de la dette publique italienne tels que le désastre se profile. On ne peut en effet rémunérer une dette publique qui représente plus de 100% du PIB à un taux supérieur à 6%, alors même que la croissance attendue du pays n’est au mieux que de 2/3%, et en pratique bien moins.

Pour prendre un point de vue plus général pour ce qui concerne l’Europe, ces marchés qui ne dorment jamais ni ne prennent jamais de vacances sont sans doute en train de sanctionner le fait que les solutions européennes du 21 juillet vont dans une direction, la mise en commun des dettes publiques des uns et des autres, ou du moins des garanties croisées entre pays européens, solution qui n’est pour l’instant gagée sur rien d’autre que la seule volonté des gouvernements, et qui ne correspond en rien – pour l’heure – à une « volonté générale » européenne. Différentier les taux d’intérêts payés par les différents pays européens de la zone Euro parait du coup un simple retour à la réalité des « fondamentaux » de chacun. Les rumeurs qui courent apparemment sur une exonération des Italiens et des Espagnols de leur participation au plan d’aide à la Grèce sont, sans doute infondées, mais logiques.

Enfin, tout cela sent de plus en plus  son « septembre 1992″…

2 réponses à “Les marchés ne prennent pas de vacances!

  1. Pingback: Nos Ordures Valent De L’or. | Allo DEFI

  2. Juste un petit message pour vous remercier pour vos posts. Ils sont tout simplement géniaux, surtout ceux sur « l’Europe. » (Je mets des guimets pour ne pas discriminer la Russie et les autres pays non membres…)

    Je partage, en tout point, votre analyse de la situation. On va droit dans le mur ! Et manifestement, c’est partie pour durer…Puisque tous ces « plans » reposent sur une base juridique des plus tenues !

    En octobre, çà risque de faire mal ! http://www.solidariteetprogres.org/Cour-de-Karlsruhe-l-euro-sur-le-banc-des-accuses_07893

    Je ne sais pas trop « comment » sont les juges de la Cour de Karlsruhe, mais ils semblent capables de résister à la « pression »…Et je crois bien qu’ils ne trahiront pas si vite leur réputation de juristes pour les beaux yeux d’Angie !

    Pensez vous que les citoyens Français seraient en capacité de procéder pareillement ? Via une QPC ? Ou alors il faut saisir la CJUE ? Je ne sais plus trop pour les traités qui peut en établir la « constitutionnalité »…

    Il y aurait un petit coté « comique » à voir :
    –M. BAROIN devant la Cour de Justice de la République pour violation de la Constitution…
    –M. SARKOZY traduit devant la Haute Cour – je sais çà n’arrivera jamais, trop de servilité à gauche comme à droite – pour « manquements à ses devoirs constitutionnels »
    –M. BARROSO devant répondre, devant la CJUE/le CC (?) de ses « manquements » à son devoir de « défenseur des traités »

    Un truc que je ne comprends pas bien, à ce propos, c’est pourquoi des gars comme Mélanchon, Dupont Aignan, voire miss Marine, ne saisissent pas une Cour de Justice, voire plusieurs. Est il interdit, pour un député/élu Français de saisir une Cour de Justice française, européenne…Voire internationale, chez nous ? Pourtant, dernièrement, il me semble me souvenir que M. MONTEBOURG menaçait le CC de saisir la CJUE (ou était ce la CEDH ?) pour dénoncer la partialité des juges constitutionnels français, contraire à la Charte des droits. Et il n’y a pas si longtemps, M. VANNESTE n’a t il pas saisi la CEDH pour se blanchir d’accusations sur sa pseudo homophobie ?

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