Suppression de la qualif???

Bon, là vraiment, la nouvelle loi universitaire, cela devient du n’importe quoi…  Lors de la discussion de cette loi au Sénat, un amendement, proposé par les Verts (???), a été adopté qui supprime pas moins que la procédure dite de « qualification ».

Rappel pour comprendre : la « qualification » est une procédure centralisée qui demande à chaque docteur, titulaire d’une thèse de doctorat, qui veut devenir à terme « Maître de conférence » des Universités de se faire certifier au vu de ses travaux par la section disciplinaire correspondante à sa spécialité du « Conseil national des Universités » (CNU). Les participants aux sections du CNU sont à la fois élus par les membres de la discipline concernée et nommés par le Ministre en charge de l’enseignement supérieur. Après examen contradictoire de la part de ses (éventuels futurs) pairs, le docteur est réputé « qualifié » pour quatre ans en vue de candidater aux postes de maîtres de conférence ouverts par les Universités. La procédure de recrutement se poursuit ensuite au niveau local de chaque Université sur les postes ouverts par discipline. La « qualification » peut être vue à la fois comme une procédure de contrôle et de mise en conformité au sein de chaque discipline (avec parfois les coups bas que cela suppose…) et comme une procédure « malthusienne » qui réduit le nombre de candidats docteurs éligibles au recrutement par discipline. En effet, avec cette procédure, certaines thèses sont moins égales que d’autres, puisqu’elles ne donnent pas droit à prétendre enseigner ensuite à l’Université, et certains docteurs se voient refuser le droit de tenter leur chance au recrutement au niveau local.

La suppression de la « qualification » signifierait donc que tout le recrutement devient un processus local au niveau des Universités (et ensuite dans la foulée l’ensemble de la carrière universitaire?). Cela peut se concevoir, cela existe largement dans les autres systèmes universitaires où une procédure centralisée comme la « qualification » n’existe pas à ma connaissance, d’ailleurs les Universités française ne sont-elles pas réputées être désormais  autonomes? Bref, a priori, ce n’est pas grave, et cela évitera aux collègues des sections du CNU beaucoup de travail.

L’amendement déposé par les Verts pose toutefois un double problème.

D’une part, il prend à froid la communauté universitaire, qui n’a pas « mûri le dossier », c’est le moins que l’on puisse dire. Mais, après tout, toute cette loi universitaire correspond à la faiblesse actuelle du monde universitaire. Donc, pourquoi pas? Allons-y gaiement!

D’autre part, a-t-on réfléchi aux conséquences pratiques d’une telle suppression de la qualification?  En effet, à l’heure actuelle, la qualification joue d’évidence le rôle de filtre pour limiter le nombre de candidats aux postes de Maître de conférence,  du point de vue administratif mais aussi du point de vue psychologique. De ce second point de vue, les nouveaux docteurs,  qui sont en effet parfois incertains de la valeur de leur propre travail de thèse et de leurs qualités de chercheur, utilisent la qualification  (à tort ou à raison) comme un moyen de savoir ce qu’ils valent sur le marché académique, comme un autre regard sur leur thèse. Ne pas obtenir la qualification après la thèse permet alors à certains de décider que, non finalement, le métier d’enseignant-chercheur n’est pas fait pour eux. Ils s’éloignent donc et vont chercher (meilleure?) fortune ailleurs.  Supprimer la qualification, c’est aussi supprimer un signal (de bonne ou mauvaise qualité, cela resterait bien sûr à discuter) pour les docteurs sur la poursuite ou non de l’aventure. Et il faut bien dire que, dans la situation actuelle de l’emploi dans la monde académique, il vaut peut-être mieux quitter le circuit le plus tôt possible après la thèse, au moment où une reconversion s’avère encore jouable, plutôt que de s’entêter à multiplier en vain pendant des années les travaux académiques et les candidatures pour se rendre compte à près de 40 ans que « non, cela ne va pas être possible… ». J’avais été frappé il y a quelques années par un article dans Die Zeit racontant comment, dans un système universitaire décentralisé, des docteurs allemands devenaient finalement chauffeurs de taxi à force d’avoir attendu en vain un poste à l’Université… , et je ne suis pas sûr qu’on ne pourrait pas faire le même article désormais pour le cas français.

Par ailleurs, s’il n’y a plus de qualification « malthusienne », le nombre de candidats docteurs par poste ouvert de Maître de conférence, va en bonne logique encore augmenter… sans que toutefois une objectivation nationale du nombre de candidats possibles par discipline ne soit  plus offerte par les résultats cumulés de la qualification. (C’est un peu casser le thermomètre comme on dit. ) Tous les docteurs (tout au moins probablement ceux qui auront eu la thèse avec les félicitations de leur jury) vont tenter leur chance au niveau local pour savoir s’ils sont aptes à continuer dans la carrière.  Face à cette situation, le niveau local – s’il ne veut pas se trouver étouffé de dossiers à étudier –  ne pourra que réagir de manière à restreindre le nombre de candidatures qui lui sont adressées à travers des profils de poste de plus en plus pointus, donnant du coup aux (rares) recrutements effectués un côté cousu de fil blanc – pour ne pas dire clientéliste – qui ne renseignera  pas vraiment les docteurs non recrutés sur la perception de leur thèse par la communauté scientifique concernée.

Certes, au total, au bout d’un certain temps d’échec total aux recrutements locaux, les docteurs concernés auront bien compris qu’on n’a pas besoin d’eux dans les circonstances actuelles d’écart pour le moins abyssal entre le nombre de bons candidats et le nombre de postes offerts, mais cela aura retardé leur prise de conscience d’un ou deux ans, voire plus. Je ne suis pas sûr que cela soit une bonne idée.

Ps 1. Pour une fois, je me retrouve à 100% dans « la ligne du parti ». J’approuve entièrement  le communiqué de ce jour de l’Association française de science politique, qui a réagi au quart de tour, et que je reproduis ci-dessous in extenso.

« L’Association Française de Science Politique est très inquiète de la suppression de la procédure de qualification nationale telle qu’elle vient d’être adoptée par le Sénat. Faisant suite à un amendement [ http://www.senat.fr/amendements/2012-2013/660/Amdt_6.html ] adopté au terme d’un débat succinct, cette évolution législative risque de renforcer les tendances au localisme maintes fois constatées dans le recrutement des enseignants-chercheurs et de rendre le travail des futurs comités de sélection impossible en raison de la disparition du filtre légitime que représente la qualification disciplinaire nationale. L’AFSP appelle d’urgence la représentation parlementaire à suspendre cette modification et à rétablir l’article L 952-6 [ http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006525622&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20090509 ] du Code de l’enseignement. L’Association est solidaire de la pétition lancée en ce début de semaine par la CP-CNU [ http://www.cpcnu.fr et http://www.petitions24.net/cpcnu ] visant à défendre une politique exigeante et nationale de qualification, gage d’une Université de qualité. »

Je n’ai pas insisté moi-même sur les risques de localisme dans les recrutements, parce qu’à mon sens, dans cette hypothèse de suppression de la qualification, les recruteurs seraient obligés de trouver un moyen de barrer la route au flot insurmontable de candidatures, et cela  en raison de leurs moyens limités en temps d’étude de ces dernières, le localisme peut être le moyen le plus simple en effet…

Ps2. Intéressant à observer le « rétropédalage » des parlementaires des Verts sur le sujet ces dernières heures. Il ne s’agissait, parait-il, que d’un amendement destiné à ouvrir le débat… C’est plutôt réussi vu les réactions multiples de la communauté universitaire (entre les sections du CNU qui réagissent les unes après les autres, les syndicats des enseignants-chercheurs qui s’opposent, les voix individuelles qui s’indignent). En tout cas, il ressort plus généralement de l’épisode que les diverses composantes de la communauté universitaire ne se sentent guère associées à la réforme en cours (euphémisme).

17 réponses à “Suppression de la qualif???

  1. Globalement d’accord. Et, oui, c’est n’importe quoi. J’aimerais d’ailleurs savoir d’où vient cet amendement et quels intérêts il est censé satisfaire (il ne faut pas être naïf). J’ajouterais à ton analyse le fait que l’évaluation, déjà difficile (et le CNU n’est pas la solution idéale non plus sur ce point) et souvent rejetée, va devenir impossible. Et, dans une petite communauté comme celle des politistes, déjà divisée selon des lignes de fracture institutionnelles, infra-disciplinaires ou normatives, les faibles logiques d’intégration existantes vont disparaître pour ne laisser place qu’à un clientélisme local effréné (il n’est déjà pas vraiment contraint…). Pour en avoir éprouvé à plusieurs reprises les effets, cela ne m’enchante guère…

    • @ Yves Surel : idéologiquement, cela peut correspondre chez les Verts à un ancien prurit régionaliste/autonomiste… ou plus simplement à une volonté d’être dans l’air du temps international. Mais bon, c’est bien faible comme explication…

  2. L’avantage, c’est qu’on pourra enfin avoir des discussions intéressantes dans les taxis. Cela dit, il reste quand même à analyser les raisons de cette décision surprenante. Pourquoi, notamment, les Verts se lancent-ils dans cette aventure ? Quelle est leur vision de l’université ? Un autre point qui mériterait d’être discuté concerne le poids des présidents d’université au sein du PS et dans les ministères. Il ne m’étonnerait pas que ceux-ci désirent plus de pouvoir. Mais cela confirme aussi que la loi Fioraso s’inscrit dans la continuité de la droite.

    • @ vince38 : aucune idée exacte (prurit régionaliste?? volonté d’être dans l’air du temps international??) sur ce qui pousse des élus des Verts dans cette aventure… Pour ce qui est des Présidents d’Université, ils ont déjà beaucoup des pouvoirs avec la situation actuelle, effectivement, on peut penser qu’ensuite, toutes les promotions passeraient au niveau local des Universités… et donc qu’enfin, les universitaires « obéiraient » à leurs chefs! Dans ce cas, tu me diras, il faudra des vrais chefs (par exemple, des inspecteurs des finances!), c’est-à-dire pas des universitaires… cela sera l’étape suivante, qui désolera bien nos chefs actuels.

  3. Et comment font les facs à l’étranger ? Pas de qualif pourtant?

    Encore une complication administrative à la française.

    • @ JH : vous avez raison, la qualification n’existe pas dans la plupart des pays, mais on se trouve si j’ose dire confronté à deux situations polaires :
      a) le clientélisme, le patronage, la cooptation de longue date, sont inscrites dans les mœurs locales, de ce fait, tout le monde sait implicitement qui a le droit de se présenter aux postes universitaires, cela permet aussi une certaine prévisibilité pour les docteurs, et donc des recherches de long terme; en Italie par exemple, on voit ces relations de clientèle, qui ont aussi leurs bons aspects quand le « patron » est lui-même un « génie » qui choisit d’autorité les « meilleurs » de ses disciples, mais c’est parfois de pur népotisme au sens le plus tragique du terme;
      b) la sélection sur un marché libre, mais régulée par le fait que chaque Université, Faculté, Discipline, etc. doit « tenir son rang » dans une concurrence pour les meilleurs étudiants, les financements, le prestige académique, etc., c’est largement le système anglo-saxon dans ses meilleurs aspects, c’est largement celui des « Grandes écoles » hexagonales.
      De fait, en France, nous sommes entre deux eaux : on ne peut nier qu’il y a des lieux en France et en Navarre où, si l’on laissait complètement faire les recruteurs locaux, on pourrait aboutir à des dénis de justice vis-à-vis des candidats possibles, voire des dénis de science tout court (parce qu’il y a trente ans ou plus le recrutement en Faculté n’a pas été ce qu’il aurait dû être…). Donc, la qualification par le CNU joue le rôle de garde-fou.
      Plus généralement, si l’on veut remettre en cause la qualification par le CNU, il faut repenser tout l’écosystème universitaire d’abord, et se demande quelles sont les forces de rappel qui empêcheraient certains de faire n’importe quoi à cette occasion.

  4. Attention: Commentaire censuré par mes soins pour rendre la situation non identifiable, son contenu pouvant tomber sous le coup de la diffamation publique de personnes, mais qui témoigne bien des conflits universitaires autour des décisions du CNU.

    Regardez le cas (…) : (…) dont (…) a repoussé le har­cèle­ment sexuel a agité ses copains pour blo­quer les qua­li­fi­ca­tions de (…) :
    (…)
    Et au CNU on a donné une forme ins­ti­tu­tio­nnelle à ces folies : tout le monde savait qu’on exécute l’ordre des amis de (…) et, par rela­tions syn­di­cales, per­sonnelles, on a donné la tête de (…) (…) à (…)

    De plus, la (…) Section est pré­si­dée par de per­sonnes dont on ne connait ni thèse, ni HDR — mais qui sont du même syn­di­cat que (…) .
    Honte !

  5. Je partage le point de vue de Christophe ; mais tout ceci est lourd, et pas toujours juste. Il suffirait que les jurys de thèse soient rigoureux dans leurs mentions.
    Quant au localisme, on peut rêver du jour où les membres des commissions de recrutement se montreront partout raisonnables.

    • @ Schemeil : mais comment obtenir une rectitude du comportement des jurys de thèse… sinon en créant de fait une procédure d’appel de ces jugements? De fait, le CNU sert largement à cela; par contre, il est regrettable qu’il n’y ait pas d’effet de retour sur les membres de jurys « laxistes » qui pourraient se voir infliger un blâme par le CNU, voire se voir interdire à l’avenir de participer à des jurys de thèse. Il faudrait plus généralement pouvoir trouver un moyen de « responsabiliser » les membres des jurys de thèse.

      • il y a un moyen très simple : rendre obligatoire et non pas optionnelle la suppression des mentions attribuées aux thèses. Ainsi les rapports seront-ils fait en vérité (que vaut exactement en soi le travail présenté, dans l’absolu), et non pas en justice (éviter de décourager ou de pénaliser son auteur-e en lui refusant la mention maximale tenue pour un sauf-conduit vers la qualification, comparaison faite avec d’autres soutenances dans le même établissement ou ailleurs). Moins radical que la guillotine mais tout aussi efficace !
        Les associations professionnelles pourraient dans cette hypothèse signer un texte conjoint sur la nécessité de juger par rapport aux standards internationaux et non par rapport à une cohorte française.

  6. Raul Magni Berton

    Salut Christophe,
    Pour une fois je ne suis pas du tout d’accord avec ton analyse.
    Premièrement, si l’on veut éviter que les thésards errent comme dans ton article du Zeit, il faut avoir une politique d’allocations de recherche: organiser leur nombre et ne pas donner accès aux thèses non financées. Par contre, il me parait un peu sadique de laisser faire des thèses aux gens, pour ensuite ne pas leur donner la chance de candidater à ce pour quoi ils ont utilisé 3 (ou plus) années de leur vie.
    Deuxièmement, la qualification n’a pas du tout évité le localisme. La seule bonne guerre contre le localisme est simplement de l’interdire.
    Alors, certes, une réforme ça se prépare. Mais bâtir une défense de la procédure de qualification sur le salut des étudiants et sur le localisme n’est, d’après moi, pas possible.

    • @ Raul Magni Berton : ta réaction ne m’étonne pas, je sais de longue date que tu es « contre la qualification ».

      Par contre, pour ce qui est de l’écart entre le nombre de thèses financées et le nombre de postes disponibles dans l’enseignement et la recherche, il est entièrement voulu. C’est la logique du « vivier » : les institutions financent 10 thésards, 8 soutiendront leur thèse, 3 seront qualifiés, et 1 sera finalement recruté au bout d’un certain temps (je donne juste des chiffres pour donner une idée du processus). Aujourd’hui, en science politique tout au moins, les thèses non financées ont pratiquement disparu de l’horizon (surtout si je compare à ma génération), mais, d’évidence, ce financement obligatoire en fait (mais pas en droit) des thésards n’empêche pas un embouteillage à la sortie. La qualification possède au moins le mérite d’officialiser et de centraliser un niveau d’élimination. Il est vrai que la même chose pourrait être obtenue de manière décentralisée, il est à craindre toutefois que cela revienne à obliger les recruteurs locaux à cibler tellement leur offre de recrutement que certains ne sauront même jamais si ils auraient pu être recrutés dans le supérieur. Certes, ils auront leur thèse, mais comme jamais aucun poste ne correspondra à leur profil, ils n’auront même pas l’occasion de candidater quelque part, ils resteront aussi sur la vexation que tu soulignes. Par ailleurs, tous les docteurs n’ont pas vocation à rester dans l’enseignement et la recherche, il faudrait aussi qu’en France, on se mette bien dans la tête qu’une thèse de doctorat ne mène pas uniquement et obligatoirement à l’enseignement et à la recherche. C’est aussi cela le problème actuel des docteurs par rapport à d’autres pays, le titre de docteur manque de prestige sur le marché du travail en général.

      Ta remarque sur l’interdiction du localisme est à double tranchant : en effet, le législateur n’a pas souhaité (ou pensé?) ajouter à la suppression de la qualification cet aspect d’interdiction du localisme. C’est bien ce qui a énervé une grande part de la communauté universitaire : on supprimait la qualification (certes, faible rempart contre le localisme) sans réfléchir plus largement aux conséquences de cette suppression, dont le localisme, qui se trouvait éventuellement renforcé. On aurait proposé un ensemble « suppression de la qualification / suppression des mentions au doctorat (cf. proposition de notre collègue Y. Schemeil)/ interdiction du localisme », la réaction de la vox populi universitaire aurait sans doute été différente.

      Par ailleurs, mais c’est incident par rapport au fond du débat, tu négliges complètement l’état d’exaspération de la communauté universitaire par rapport au sort général que les gouvernements successifs lui font. Dans le cadre d’une loi universitaire peu appréciée, ce n’était pas le moment de toucher à ce point sensible, qui aurait mérité un débat argumenté à froid. Je ne saurais pas étonné d’ailleurs que cette bronca sur la qualification précède une mobilisation plus large des universitaires à l’automne prochain.

  7. J’ai proposé en 2000 à la Direction Générale des Enseignements Supérieurs (qui avait commandé au Professeur de Droit Georges Durry un rapport dont j’ai été le porte-plume) l’interdiction de recruter un MCF sur un premier emploi dans l’établissement où la thèse a été soutenue, ou un poste d’ATER obtenu (sauf post-doc entre-temps) . Sans suite.

    • @ Schemeil : apparemment, le texte de la loi universitaire actuelle engagerait le gouvernement à faire dans les deux ans (« chi va piano va sano ») un rapport sur le sujet des recrutements. Ton rapport risque donc de servir… à établir le prochain. Tu n’auras donc pas travaillé en vain.
      La vraie question serait de savoir pourquoi il existe un blocage sur l’interdiction que tu préconises. Est-ce dû à l’interaction un peu trop étroite dans certaines régions de France entre universitaires et classe politique locale? Ou plus simplement à de l’impéritie administrative?

      • En l’occurrence (comme d’ailleurs pour la suppression de l’épreuve en 24h de l’agrégation, recommandée en 1995 par mon rapport de président de jury, qui a du attendre le jury Lagroye pour être acceptée) il s’agit de changements d’équipes ministérielles. On peut y ajouter un protocole de consultation très exigeant et donc trop long, qui va des syndicats et associations d’enseignants parfois très peu « représentatifs », au CNESER. De là l’utilité de ton blog, faire réfléchir aux effets indésirables d’objectifs désirables (refus du localisme, besoin de légitimation).

  8. Il me semble que le terme « localisme » a tendance à biaiser les débats puisqu’il impose une vision dépréciative. Dans l’enseignement supérieur français, avec le système des grandes écoles et des IEP, ce localisme signifie surtout que les établissements préfèrent recruter les candidats qu’elles ont pris soin de sélectionner et de former tout au long de leur cursus, souvent en lien avec les problématiques de leurs centres de recherche. Cela peut parfaitement se justifier. Ce qui devient problématique, c’est lorsque ce localisme est transposé à des universités peu sélectives, sans unités de recherche, et dans lesquelles un mandarin fait la loi. Quant à la comparaison avec les systèmes qui existent à l’étranger, la seule question qui vaille est : les résultats seraient-ils très différents ? Pas sûr.

    • @ vince38 : tu as raison de souligner l’écart entre deux sous-systèmes dans l’enseignement supérieur français. C’est sûr que recruter un polytechnicien pour enseigner à Polytechnique, il y aurait comme une logique, qui ne se fait pas sans doute au détriment de la qualité. Mais comment faire pour cadrer l’autre sous-système? L’existence d’une qualification nationale constitue déjà un frein, ainsi que la dénonciation du localisme. Il faut souligner encore une fois que la perception de la situation actuelle résulte d’une pénurie générale de postes : il importait peu dans les années 1960-70 de savoir que, dans l’Université X, on recrutait n’importe qui, puisque tous les bons docteurs trouvaient par ailleurs un poste (à l’Université, au CNRS ou ailleurs) (les récits de vie de certains collègues partis à la retraite sont éloquents à ce sujet). Aujourd’hui, la situation est complétement inverse : parmi la marée montante de bons et très docteurs, seule une minorité va pouvoir rester dans la recherche et l’enseignement supérieur, et, du coup, le cas des recrutements de complaisance de l’Université X choque d’autant plus, voire devient intolérable. Le vrai problème, ce n’est pas la méthode de recrutement, c’est le fait que la France ne veut pas augmenter l’emploi scientifique à proportion des possibilités humaines du pays.

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