Apparemment, selon un sondage d’opinion de la société BVA, François Hollande serait en train de crever le plancher d’impopularité : moins de 30% de popularité, ce qui dans cette mesure-là ne serait jamais arrivé à un Président depuis les 32 ans qu’elle existe. Il me semble pourtant qu’il ne s’agit guère d’un scoop dans la mesure où d’autres instituts de sondage aboutissaient depuis le printemps au même résultat d’une popularité présidentielle historiquement basse. Les données compilées par le site Délits d’opinion sur la popularité de l’exécutif actuel selon les divers instituts confirment mon souvenir. C’est en fait depuis le printemps 2013 que la popularité de l’exécutif passe en dessous des 30% dans certains sondages. Je m’interroge du coup sur la dignité particulière que la presse (hormis celle qui a commandité le dit sondage qui est en droit de le faire pour l’avoir payé) a entendu conférer à ce sondage de la société BVA. A ma connaissance, dans l’univers du sondage politique, cette dernière entreprise n’est ni meilleure, ni pire d’ailleurs, qu’une autre. J’en suis réduit à supposer que c’est le moment de publication du sondage, juste après l’affaire Leonarda, qui a été saisi par BVA pour faire parler de son produit, mais il resterait à savoir pourquoi l’ensemble de la presse lui a accordé tant de crédit sans trop se poser de questions.
Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute en tout cas que la popularité présidentielle telle que mesurée par les sondages les plus courants est en berne, et chute à grande vitesse depuis mai 2012. Les paris semblent désormais ouverts : où se situe le taquet? 20%? 15%, 10%%? Selon la compilation de Délits d’opinion, certains sondages sont déjà d’ailleurs vers 20%.
Doit-on s’en étonner? Pas vraiment. C’est le contraire qui serait étonnant. En effet, quand, en mai 2012, une majorité de Français élit ce nouveau Président, ils sont déjà très préoccupés, par le chômage en particulier. Or ce dernier n’a cessé d’augmenter depuis lors – sans d’ailleurs que les médias n’en fassent grand cas à vrai dire à la mesure de ce que cela représente pour les personnes concernées et leurs proches. Ce n’est que lorsqu’une chômeuse crève l’écran en s’adressant au Président ou à un leader de parti d’opposition que les médias semblent se rendre compte de l’importance du problème. Ah le côté humain au delà des chiffres… Misère de la société émotionnelle. Donc, sur la mission principale qu’ils se sont eux-mêmes assignés ce Président et cette majorité sont donc pour l’instant en échec : toutes les mesures de politiques publiques prises depuis juin 2012 préparent peut-être à une reprise de l’emploi dans les années à venir, mais, en octobre 2013, la population ne voit rien venir, et, en plus, vu à travers les grands médias, les restructurations de l’économie français continuent de plus belle avec leur lot de licenciements collectifs et font évidemment grand bruit.
F. Hollande savait sans nul doute que sa popularité allait pâtir de son choix d’un « socialisme de l’offre ». De fait, comme le rappelle l’économiste Philippe Askenazy dans sa chronique (« François Hollande est-il de gauche? », Le Monde, 28/10/2013), ce dernier n’est pas vraiment dans ses différentes composantes une nouveauté conceptuelle, tout au moins au centre-droit. Ce « socialisme de l’offre » suppose de faire à peu près comme le camarade Schröder avec les lois Hartz, en tenant compte toutefois des contraintes politiques françaises (cf. la très prudente réforme des retraites de cet automne). Il semble constituer la seule option possible pour un gouvernement socialiste français voulant rester dans les clous européens, à la fois du point de vue financier et du point de vue de la vision de l’économie (plutôt néo-libérale) en vigueur à Bruxelles. Dès que la fenêtre d’opportunité du tout début du mandat (qui aurait consisté à contester à la base le policy mix européen en refusant de ratifier le TSCG en lui opposant « la volonté souveraine du peuple français » incarnée dans l’élection présidentielle) s’est refermée, il ne restait plus qu’à faire ce qui est en train de se faire, c’est-à-dire une bonne vieille politique « barriste » si j’ose dire. Un doctorant de vingt-cinq ans me disait qu’il avait une impression de déjà vu face à cette politique économique, et à sa performance médiocre, que devrais-je dire moi-même à près de cinquante ans? Aucun problème évoqué depuis que je suis en âge de comprendre quelque chose à la vie publique ne semble avoir été résolu à ce jour … (ce qui est d’ailleurs une remarque plus générale : de plus en plus de gens n’ont comme moi connu que « la crise », cf. V. Tiberj, « Un nouveau citoyen? », in V. Tiberj (dir.), Des votes et des voix. De Mitterrand à Hollande, Nîmes, Champ social, 2013, p. 58-65, en particulier p. 64).
Probablement, F. Hollande n’avait pas bien compris que son propre slogan de campagne, « Le changement c’est maintenant », cernait très bien l’impatiente d’une bonne part de la société française face au problème du chômage, du pouvoir d’achat, de la justice fiscale, etc.. Selon Adrien Degeorges (« Les Français et le rôle de l’État dans la mondialisation », in V. Tiberj (dir), idem, p. 32-40), les sondages de l’équipe Triélec tendaient à indiquer, comme rarement depuis un quart de siècle qu’une majorité d’électeurs était plutôt favorable à l’intervention de l’État (cf. p.33). Dans son récent entretien pour Médiapart, Vincent Tiberj le dit aussi très explicitement (dans ses premières phrases) : début 2012, les Français n’avaient jamais eu des idées sur l’économie aussi à gauche depuis 1981 (sic). Si F. Hollande fait un tabac lors du meeting du Bourget en janvier 2012, en proclamant que « son ennemi, c’est la finance« , ce n’est pas totalement un hasard; s’il propose de taxer les « riches » à 75% sur leurs revenus au delà de 1 million d’euros – sans bien préciser vraiment la mesure -, cela fait donc fortement sens remis dans son contexte. Il est alors peu étonnant qu’au bout d’un an et demi de pouvoir socialiste, les Français, qui avaient il y a près de deux ans de telles opinions, n’ayant pas vu venir grand chose de positif de ce point de vue dans leur vie quotidienne, expriment comme une légère déception (euphémisme). Pour une bonne part d’entre eux, ils attendaient un Mitterrand version mai 1981 (en dépit d’ailleurs que, dans le programme présidentiel, rien de bien révolutionnaire ne leur avait été promis), ils se sont trouvés encore une fois devant un Delors. Comme le remarquait avec raison le journaliste du Monde, Thomas Wieder, dans son article du mardi 23 octobre 2013 (« François Hollande, chantre d’un idéal qu’il savait illusoire », p. 11), il suffisait de lire les ouvrages de M. Valls, P. Moscovici et F. Hollande pour savoir à quoi s’en tenir sur les options fondamentales de la future Présidence socialiste: « Là encore seuls ceux qui avaient la mémoire courte [n.b. utilisation plutôt malheureuse par T. W. d’un syntagme miné] avaient des raisons de tiquer. Dans son livre Le Rêve français (Privat, 2011), celui qui n’était alors que candidat à la primaire socialiste [Hollande] se posait déjà en promoteur de l »esprit d’entreprise’, expliquant que celle-ci devait être ‘respectée, comprise et encouragée’ « . T. Wieder en concluait d’ailleurs : « Que ceux-ci [les électeurs de F. Hollande] se sentent trompés est naturel. Mais qu’ils aient été naïfs est indéniable. » Il resterait bien sûr à expliquer les mécanismes de cette « naïveté » : il avait fallu près d’une décennie de travail politique pour transformer le très modéré F. Mitterrand des années 1960 en héraut du « changement » en 1981. (Et, encore, à l’extrême-droite, on savait à l’époque qu’il avait eu en son temps « la Francisque » le bougre…) Dans le cas de F. Hollande & Cie, personne qui avait suivi la politique française depuis 20 ans ne pouvait ignorer leurs biographies. Si une bonne partie des électeurs, et d’abord ceux des primaires socialistes, s’y sont laissés prendre, n’est-ce pas que les médias et les autres politiciens n’ont pas bien fait leur travail d’information à ce sujet? Est-ce F. Hollande aurait pu se faire élire si les médias et ses adversaires politiques avaient rappelé en détail son passé de la même manière que pour tout candidat à la Présidence aux États-Unis? En tout cas, à en croire les sondages, ce sont désormais les Français qui ont cru F. Hollande de gauche au sens interventionniste du terme (de la bonne vieille « politique de classe ») qui désertent désormais le camp majoritaire. Comme dès le départ l’électeur de N. Sarkozy de mai 2012 n’était guère disposé à faire crédit au « socialiste » F. Hollande et que cela ne s’est vraiment pas arrangé depuis lors (les électeurs proches de l’UMP seraient en octobre 2013 97%[!?!] à avoir une mauvaise opinion de F. Hollande selon BVA), il ne devrait bientôt plus rester comme soutien à la majorité présidentielle que le noyau dur de gens qui se reconnaissent dans ce « socialisme de l’offre ». Au final ça va sans doute pas faire bézef.
De fait, je soupçonne fort que n’importe quel Président de gauche élu en 2012 – un DSK ou une Martine Aubry pour citer deux possibilités -, qui aurait mené une telle politique de reconstitution de l’offre, aurait subi une telle érosion de sa popularité. Par définition, cette politique de l’offre, sans cesse remise sur le métier depuis les années 1970, en usant de slogans différents selon les époques, constitue une politique de moyen/long terme. Elle tend à court terme à déprimer l’activité et à accepter, comme disait notre bon docteur R. Barre, la disparition des canards boiteux. Cette politique de l’offre repose par exemple sur l’élévation du niveau général de formation de la population, une politique qui, par définition, n’aura des effets que dans un futur plus ou moins lointain. Certes, le gouvernement actuel pourrait être accusé en prenant le point de vue de ce « socialisme de l’offre » de ne pas en faire assez et surtout pas assez vite : la réforme de la formation professionnelle par exemple traine en longueur, alors même qu’en bonne logique d' »offre », elle aurait dû faire partie des priorités absolues de l’été 2012. Il y a donc sans doute une très mauvaise gestion du temps par cette majorité, mais il reste que le « socialisme de l’offre » ne pouvait que déprimer la popularité présidentielle. Il n’est pas d’évidence ce qu’attendait une bonne part du « peuple de gauche » en 2012.
Y avait-il alors dans le cadre européen un autre choix que cet éternel retour du chabanisme (cf. la citation, un brin perfide, du discours d’investiture de Chaban, Premier Ministre, par P. Askenazy dans l’article cité)/barrisme/delorisme? On aurait pu imaginer théoriquement deux options.
Première option : le big bang néo-libéral (si on croit que cela peut fonctionner pour en finir avec la chômage …), en faisant ce que la droite s’est (prudemment) refusé à faire depuis 2002: augmentation de la durée du travail au maximum possible européen (c’est-à-dire bien au delà des 35 heures légales actuelles), suppression de deux ou trois semaines de congés payés (pour en venir à la norme américaine en la matière) et de la plupart des jours fériés, baisse drastique du « coin socio-fiscal » à tous les niveaux de salaire avec en contrepartie fin de tout paritarisme dans la gestion de la « Sécu » afin de faire de « vraies » économies, etc. (Je connais mes gammes néo-libérales.) Difficile évidemment… à envisager pour une majorité et un gouvernement de gauche, sauf à innover complètement en créant un revenu minimum significatif pour tout le monde. Cette option aurait supposée de faire la campagne présidentielle dessus, et sans doute de la faire approuver par référendum ensuite. Je doute qu’elle ait eu beaucoup d’écho auprès de l’électorat… Cette option d’une thérapie de choc aurait eu l’avantage de faire baisser drastiquement le coût du travail en France, et, si j’ose dire, de rendre à l’Allemagne la monnaie de sa pièce… Vous voulez jouer aux cons, chers camarades allemands, jouons aux cons… et maintenant discutons franchement de l’avenir de l’Europe.
Deuxième option: le retour à une vision de plus long terme du temps de travail et de la croissance potentielle attendue par un pays comme la France, c’est-à-dire tenir compte par exemple des propositions du « collectif Roosevelt », en particulier de leur point 13 sur le temps de travail. On remarquera toutefois que pas une fois au cours de la campagne des « primaires » du PS, puis du candidat Hollande, il n’a été question de réduction générale du temps de travail. D’évidence, les dirigeants actuels du PS considèrent avoir fait une erreur avec les 35 heures en 1997-2002, et ils n’entendent pas, eux vivants, la répéter.
Comme ces options qui supposeraient une autre histoire lors de l’élection de 2012 sont exclues, que va-t-il se passer désormais?
Une remarque inspirée par l’histoire : toutes les expériences de la gauche française au pouvoir (Cartel des gauches, Front populaire, « 1944-1947 », « 1956 », « 1981 », « 1997 ») ont commencé par annoncer beaucoup de changements dans l’ordre capitaliste en vigueur, à les faire parfois, pour ensuite se dé-radicaliser au fil du temps et finir parfois dans la capitulation totale au regard des glorieux objectifs affichés au départ. Dans le cas présent, on observe le même phénomène en partant d’options au départ bien moins radicales que pour les expériences précédentes. L’éco-taxe, qui vient, semble-t-il, de tomber au champ d’honneur hier (qu’elle repose en paix!), n’est pas vraiment une mesure de socialisation de l’économie telle qu’on pouvait l’envisager en 1980, cela correspond plutôt à du libéralisme écologiquement correct – et, bien même cela, le gouvernement Ayrault n’a pas été capable de le vendre! Il me parait donc vraiment très peu probable qu’au cours du quinquennat, le Président Hollande mette tout d’un coup la barre à gauche toute, cela serait d’ailleurs d’autant plus difficile désormais que l’électorat de droite et d’extrême droite se sent déjà fort maltraité par ces « socialistes » et qu’il réagirait sans doute très vivement. Plus généralement, l’opinion publique n’est d’ailleurs plus autant prête à entendre parler d’intervention de l’État qu’au début de l’année 2012. Elle se déclare, surtout à droite certes, affolée par les impôts et taxes. Le balancier est reparti dans l’autre sens. En somme, c’est trop tard pour une option de gauche.
Par ailleurs, pour aller plus à droite (comme les expériences précédentes de la gauche au pouvoir le laisseraient deviner), un nouveau gouvernement après celui de J. M. Ayrault aurait peut-être du mal à trouver une majorité, sauf à supposer que les centristes UDI veuillent bien réitérer l’opération Rocard 1988 – mais je ne vois pas ce qui les pousserait à venir au secours d’une Présidence Hollande en perdition qui aurait perdu sa majorité parlementaire.
Bref, je sens qu’on va se trainer quelque temps encore dans cet état… et que d’autres records seront battus.
Je ne suis pas convaincu par l’argument de l’héritage biographique. En somme, François Hollande aurait toujours été le même, et il suffisait de se renseigner un peu pour le savoir. L’exemple de F. Mitterrand sonne plutôt comme un contre-exemple : les politiques sont finalement assez flexibles en fonction des circonstances et des majorités politiques. Mitterrand est passé de l’extrême droite à l’extrême gauche, sous oublier le centre (cf. « l’ouverture » de 1988). On pourrait aussi rappeler que Jospin était trotskiste, dans sa prime jeunesse… et que le Chirac des années 70 n’était pas le Chirac des années 2000.
Concernant les causes de l’impopularité de Hollande, la question qui reste ouverte me semble être celle du poids respectif des facteurs macroéconomiques (disons le chômage) et de l’image qu’il donne. Car quoiqu’on en dise, les électeurs attendent un chef. Et là, faut bien reconnaître que le doute subsiste : il nous amène où, le camarade François ? Comme le disait Gaspard Proust (grande finesse d’analyse), le problème des réformes actuelles, c’est pas leur contenu ; c’est juste que personne ne les comprend (http://tele.premiere.fr/News-Videos/VIDEO-Salut-les-terriens-Gaspard-Proust-imite-Francois-Hollande-et-provoque-un-fou-rire-3839867).
@ vince38 : sur la mobilité des politiques, l’exemple de Mitterrand tendrait plutôt à montrer la parfaite continuité de son opportunisme foncier, ce n’est pas pour rien qu’on le surnommait « le Florentin », tu confonds le caractère, les valeurs de fond, et la capacité à donner le change en faisant croire tel un acteur de théâtre qu’on avait changé d’avis. Mitterrand fut sans doute le plus grand acteur de composition du XXème siècle, et telle fut sa continuité bien repérable pour qui avait un peu suivi le personnage. Pour F. Hollande, il sait aussi jouer de ces registres diversifiés de la parole politique ou de la posture opportune (de la droite à l’extrême gauche), mais, en même temps, il est marqué par son époque de formation, sur la politique économique pensable en particulier. Si tu regardes ses décisions depuis le début de sa Présidence, il est assez clair qu’il n’en rien à faire de l’écologie, c’est toujours sur ce point qu’il cède le plus facilement, et ce n’est pas si étonnant que cela pour quelqu’un qui s’est engagé au PS dans les années 1970-80.
Sur la difficulté à incarner la Présidence de la République dans de telles circonstances avec une telle politique de « socialisme de l’offre », j’ai bien peur que n’importe quel Président aurait eu de telles difficultés – imagine donc DSK devenu Président avec les titres de l’Express ou autre magazine avide de scandales à la hauteur de son usage probable des canapés élyséens, ou encore Martine Aubry qui aurait sans doute subi de la part de la même presse un procès en « psycho-rigidité », « autoritarisme », etc.. Pour faire avaler aux Français de telles couleuvres qui reviennent à les inviter à travailler plus et plus longtemps pour gagner moins, à accepter de réviser leurs attentes vers le bas, je ne vois personne. Dans le fond, il arrive la même mésaventure à Hollande qu’à Juppé en 1995 : Chirac avait fait campagne sur la « fracture sociale », et voilà que le bon Juppé, « droit dans ses bottes », se lance dans une politique de réduction des droits sociaux. Je te concède que F. Hollande ajoute à cela sa touche personnelle, mais comme nous n’avons pas de « Churchill » en stock, il va falloir faire avec. En tout cas, le passage télévisé que tu m’as mis en lien est excellent.
« Par définition, cette politique de l’offre, sans cesse remise sur le métier depuis les années 1970, en usant de slogans différents selon les époques, constitue une politique de moyen/long terme. Elle tend à court terme à déprimer l’activité et à accepter, comme disait notre bon docteur R. Barre, la disparition des canards boiteux. »
D’un point de vue logique, cette phrase signifie que le seul effet de cette politique de l’offre est une activité déprimée. Si en effet on la remet sans cesse sur le métier, on en subit toujours les effets à court terme et jamais ceux à moyen/long terme (depuis 1970, on en serait sortit depuis longtemps du court terme!).
En réalité, c’est bien en effet une politique d’élimination des canards boiteux, c’est-à-dire les perdants de la mondialisation. Uniquement cela et en permanence depuis 1970. Et c’est là que le bât blesse car si l’on peut admettre l’idée schumpéterienne de destruction créative en vue d’une amélioration globale de l’économie, on ne peut admettre à gauche que cette destruction ne bénéficie pas à tous. Dit grossièrement: si la mondialisation et les gains de productivité dus à la technologie font augmenter le gâteau, il n’est pas normal que certains voient leur part augmenter et d’autres pas du tout (voire le contraire).
Je m’étonne d’ailleurs qu’à gauche, personne ou très peu de personnes (Piketty, Jorion, etc), ne pointent du doigt ce problème de répartition des bénéfices du « progrès » au lieu de s’attaquer au « progrès » lui-même (ce qui est un combat réactionnaire perdu d’avance). Pour le PS et les écologistes, je comprends qu’ils n’amènent pas trop le sujet, car leur électorat est à mon avis essentiellement un électorat bénéficiaire de cette évolution (les fameux « bobo »). Mais à l’extrême-gauche, je ne comprends pas qu’ils restent braqués sur une opposition de principe au « système libéral » qui ne convainc personne à cause de l’immigration (l’incohérence de dire non aux mouvements de capitaux, oui aux mouvements de personnes) au lieu de demander d’abord une redistribution plus juste au sein de ce système pour que les victimes de la mondialisation et du progrès technologique aient une compensation à leur sacrifice sur l’autel de la rationalité économique.
Dans le fonds, le souci de la gauche, c’est que la mondialisation la fracture aussi. D’une part, la gauche éduquée qui s’en sort bien et qui n’a d’autre souci que les discriminations des minorités. D’autre part, la gauche peu éduquée qui se retrouve inutile et dépassée et se braque inutilement (de manière réactionnaire) contre les causes directes de son malheur: la concurrence des prolétaires du tiers-monde et les avancées technologiques.
@ Mon Pseudo : vous m’avez bien compris, et je souscris à vos remarques sur l’abandon, au moins partiel, par la gauche des questions de répartition. Il faut bien dire que ces questions sont explosives dès lors que le « gâteau à répartir » n’augmente presque plus, d’où l’appel lancinant à la « croissance » de la part des socialistes.
Plus généralement, personne n’a de solution à offrir en terme de travail aux personnes dont les (faibles) qualifications et/ou la faible mobilisé spatiale dans l’espace français ne correspondent plus aux besoins de l’économie ainsi « modernisée »; c’est bien là ce que je voulais dire : la stratégie de l’offre rentable, même si elle fonctionne pour une partie de la population active et/ou du territoire français, revient en pratique à mettre sur le côté une grande partie de la population, soit des possibles travailleurs dans un état antérieur de l’économie. Ces derniers deviennent alors les fameux « assistés » que dénonce tout ou partie de la droite. Par ailleurs, pour des raisons culturelles qui tendent à valoriser le travail à gauche de la gauche dans la lignée du mouvement ouvrier, je comprends fort bien que cette dernière n’ait pas trop le cœur de demander l’officialisation de la « fin du travail » pour certains au nom même de cette impasse.
Petite précision sur le sondage BVA : le « scoop » réside dans le fait que les 26% mesurés par BVA sont le plus bas niveau de popularité jamais atteint par un président en exercice *pour cet institut*. La presse avait rapporté la même chose il y a quelques semaines pour l’institut IPSOS. En revanche, on doit encore un peut attendre, notamment pour TNS Sofres qui a le plus long historique et qui mesure Hollande à 21% de popularité, alors que Chirac est tombé à 16% pendant l’été 2006. Reste à voir si on ira plus bas prochainement…
@ Math : oui, j’avais bien vu qu’il s’agissait de la série longue de cet institut, mais mon interrogation portait sur pourquoi les journalistes donnaient plus d’importance à cette entreprise qu’à une autre.
En fait, c’est seulement l’accumulation de données longitudinales allant dans le même sens par tous les instituts de sondage qui permettront de dire ensuite que quelque chose d’exceptionnel s’est produit… Mon pari est qu’on va descendre encore plus bas : par exemple, le 1er janvier 2014, la TVA va augmenter, ce qui donnera l’impression à tout le monde de se lamenter que les prix augmentent terriblement.
Un bilan de cette première année Hollande :
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=176