Hier matin, mercredi 9 décembre 2014, le contenu de la « Loi Macron » a été finalement détaillée d’abord au Conseil des Ministres, puis devant les médias. Les mesures annoncées, correspondant largement à ce qui avait filtré dans la presse depuis quelques jours, s’inscrivent parfaitement dans le grand référentiel « néo-libéral » des politiques publiques en vigueur depuis au moins les années 1980. Faites en sorte qu’il y ait plus de concurrence entre offreurs de biens et de services, et vous aurez plus de croissance économique par le simple fait que les prix des biens et services concernés baisseront et que les consommateurs dégageront ainsi du pouvoir d’achat pour acheter d’autres biens et services, entrainant ainsi de la croissance. Par exemple, la « Loi Macron » veut libéraliser le transport par autocar en France. Cela accroitra la concurrence avec les autres moyens de transport individuels et collectifs, le prix baissera et/ou la qualité augmentera, les consommateurs de transport seront plus satisfaits qu’avant, ils garderont leur bel argent pour faire d’autres achats. Ils achèteront par exemple sur un cybermarchand une console de jeu fabriquée en Chine par exemple…
Au delà de son inspiration 100% néo-libérale – qui aurait aussi bien pu être présentée par une majorité de droite -, cette « Loi Macron » frappe en fait surtout par sa tiédeur. Nos partenaires européens (c’est-à-dire en pratique la Commission européenne de Mr. Juncker, la Banque centrale européenne de Mr. Draghi, et l’Allemagne de Madame Merkel) attendent en effet des « réformes structurelles » pour prix de leur magnanimité en matière de dépassement par la France des critères de déficit public et de dette publique. Le « paiement » dans cette monnaie bien particulière qu’est devenue entre pays européens de la zone Euro la « réforme structurelle » est attendu en mars 2015. Or cette « Loi Macron » d’évidence ne fera pas le poids. Ce n’est pas en autorisant un peu plus largement le travail le dimanche que l’on satisfera les Dieux voraces de la zone Euro. Pour l’instant, il n’est question que de quelques dimanches de plus et d’extension de l’ouverture des commerces le dimanche dans certaines zones … or, en bonne logique néo-libérale, le travail du dimanche devrait être autorisé encouragé toujours – tous les dimanches du premier au dernier – et son extension spatiale, conçue comme une nécessité historique d’envergure mondiale (le temps est argent en tout temps et en tout lieu!), ne doit pas s’encombrer en plus d’archaïques discussions avec les syndicats représentatifs (de quoi d’ailleurs? un syndicat est une association de délinquants prédateurs du bien public pour un néo-libéral cohérent). D’évidence, du point de vue néolibéral, il faudrait des sacrifices bien plus consistants pour que le compte y soit (les « 35 heures », les seuils sociaux, les jours fériés, les congés payés, le « contrat unique » à la Tirole, le statut de fonctionnaire, etc.), or, de fait, dans le projet Macron, il n’y a vraiment rien à ce stade de bien révolutionnaire sur le marché du travail.
Ce texte proposé pourtant par un jeune Ministre qu’il serait fort malséant de soupçonner de quelque « conservatisme » que ce soit montre donc que la Présidence Hollande considère qu’elle ne peut plus aller plus loin. D’une part, elle se méfie sans doute de la « fronde » dans les rangs des parlementaires socialistes, et, d’autre part, elle sait bien qu’elle se trouve à un minimum de popularité qui la rendrait très fragile devant tout mouvement social de grande ampleur. On semble donc entendre déjà en haut lieu les cris « Hollande dégage! » hurlés par les masses en furie. Comme pour l’Ecotaxe et ses possibles camionneurs Chilean style, il est donc urgent de reculer – ou tout au moins de ne pas avancer trop imprudemment.
L’annonce faite ce matin même par l’Élysée que, finalement, le budget des Universités serait moins amputé que prévu, s’inscrit dans la même logique. Il ne faudrait pas que, poussés par des universitaires évidemment manipulateurs, mécontents de tant de coupes déguisées en mirobolantes augmentations de crédits, qui protestent aujourd’hui, « la jeunesse soit dans la rue ».
Personnellement, je doute que la France s’en tire à si bon compte auprès de nos partenaires européens. Il faudra bien leur donner quelque chose de plus dès le printemps 2015. Cela sera sans doute la tâche d’un autre gouvernement, peut-être d’une autre majorité, voire d’un autre Président. Les « socialistes » ont donné tout ce qu’ils pouvaient – électeurs, élus, cohérence (cf. leur charte de valeurs à peine adoptée…), honneur (cf. les reniements dans leurs rangs sur le travail du dimanche )- à la très noble cause du néolibéralisme, d’autres acteurs devront entrer en scène, sans doute après les élections départementales. Elles mettront sans doute fin à toutes les illusions des socialistes sur leur degré de popularité dans le pays. La messe sera dite, si j’ose dire.
Vous pensez donc qu’il y aura un changement de majorité d’ici le printemps prochain ? Qu’est-ce qui pourrait le provoquer ? Les « frondeurs » du PS à l’assemblée ?
@ Albert : je redoute en effet la conjonction au printemps prochain entre des élections départementales/cantonales catastrophiques pour la gauche au pouvoir et les demandes de « réformes structurelles » supplémentaires de la part de Bruxelles/Berlin. Il est évident que la loi Macron actuelle ne suffit pas à satisfaire ces demandes. Je ne suis pas très original en le disant. Manuel Valls aura beaucoup de mal à tenir le choc entre les deux : l’exaspération populaire d’un côté (qui se répercutera de plus en plus sur les députés socialistes), et l’exaspération euro-bruxelloise de l’autre. Son espoir est que Bruxelles finisse par ne rien demander de plus…
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