Il est des livres dont la date de parution (début octobre 2016) était calibrée pour en assurer l’écho public, et qui, pourtant, tombent à plat, parce que le contexte a inopinément changé. Celui de trois journalistes, Corentin Dautreppe, Clément Parrot et Maxime Vaudano sur le quinquennat de François Hollande est de ceux-là. Lui, Président. Que reste-t-il des promesses de François Hollande? (Paris: Armand Colin, 2016) se veut à la fois une synthèse et une réflexion sur la réalisation ou non des promesses faites par le candidat F. Hollande en 2011-12. Le livre reprend le travail fait au fil des ans et publicisé déjà par le blog éponyme. (Travail très pédagogique par ailleurs, et primé à juste titre d’un Prix de l’innovation en journalisme).
La décision de F. Hollande donne bien sûr une toute autre tournure à la lecture de l’ouvrage que celle sans doute envisagée au départ par les auteurs. A travers des chapitres organisés autour de personnages types qui jugent le quinquennat de leur point de vue (militant de gauche déçu, techno socialiste, ministre hollando-compatible, conseiller au Château, opposant de droite, Président lui-même), le lecteur devait être amené au fil des pages à porter un jugement pondéré sur ce dernier. Évidemment, le renoncement de F. Hollande montre bien qu’au delà de la réalisation des promesses – pas si mauvaise au total et fort explicable à chaque fois – quelque chose n’a vraiment pas fonctionné dans ce quinquennat. La présente campagne électorale pour la présidentielle en constitue d’ailleurs l’épilogue tragi-comique.
Les auteurs en sont d’ailleurs largement conscients, puisqu’un fil rouge semble parcourir leur ouvrage, à savoir la faute originelle de toute campagne présidentielle actuellement: trop promettre à trop de monde pour gagner à tout prix l’élection sans vouloir tenir compte de la réalité institutionnelle des pouvoirs (et/ou absences de pouvoirs) présidentiels. Il faut dire que, selon eux, F. Hollande aurait fait pas moins de 551 promesses (en comprenant celles faites au cours du mandat lui-même). Ils se concentrent d’ailleurs seulement sur les 60 du programme écrit officiel du printemps 2012. Par ailleurs, comme journalistes, ils sont particulièrement sensibles au mauvais tour pris par les médias en matière de couverture de la vie politique. Le caractère superficiel du travail fait par ces derniers, lié à la recherche d’une couverture instantanée des événements, est dûment décrite au fil des pages et en conclusion comme l’une des raisons du dysfonctionnement de notre vie politique.
Pour qui a suivi la vie politique des dernières années, le livre n’apportera cependant aucun scoop ou point de vue vraiment nouveau. Il constitue plutôt une synthèse de (presque) toutes les polémiques qui ont émaillé ce quinquennat, et il permettra par exemple à un étudiant de premier cycle en science politique de faire le point sur l’actualité récente. Sa méthode repose de plus presque entièrement sur des entretiens avec des acteurs politiques. Il n’est fait aucun appel qu’à très peu d’analystes (en particulier pas à un politiste, à un économistes ou à des écrits de politiste ou d’économiste). Les intellectuels mobilisés pour comprendre sont des philosophes (M. Gauchet et M. Revault d’Alonnes) et un historien (P. Rosanvallon). C’est plutôt maigre, et, dans le fond, en décalage avec le lourd travail de suivi des promesses fait par ailleurs.
Du coup, pour un lecteur politiste, la seule chose vraiment intéressante qui ressort de cet ouvrage, c’est l’idée d’une bien réelle impréparation des socialistes à gouverner. Cela revient à plusieurs reprises dans les propos rapportés des uns et des autres. Cela tient autant aux politiques proprement dits qu’à leurs conseillers. Cela resterait à vérifier – pour autant que cela soit empiriquement possible – et surtout à expliquer – autrement que par un simple constat droitier de l’irréalisme foncier de toute gauche.
Moins innovant de ce point de vue, ce petit ouvrage bien écrit, comme d’autres, confirme l’importance dans l’échec du quinquennat dans la méthode décisionnelle suivie au quotidien par F. Hollande: s’occuper des détails qui ne devraient pas le concerner, ne rien dire y compris à ses proches soutiens jusqu’au dernier moment, ne pas expliquer vraiment ses grands choix y compris à ses propres ministres ou conseillers, louvoyer presque toujours, rester dans le flou, temporiser, etc. On en vient à se demander parfois ce qu’aurait été ce quinquennat avec les mêmes promesses et la même ligne politique, mais une personnalité présidentielle différente. La question reste cependant très hypothétique dans la mesure où le livre rappelle bien à quel point des promesses particulièrement foireuses (la taxe à 75% sur le revenus de plus d’un million d’euros par an) faites pour gagner l’élection en 2012 sont issues de l’inventivité du futur Président Hollande.
Bref, de ce livre comme d’autres, il ressort encore une fois que Hollande paye à juste titre cet échec dont il apparait tout de même comme le premier responsable. Et dire que le bruit court que notre héros se verrait bien finir sa carrière en Président du Conseil européen, prenant la suite de D. Tusk. Cette odieuse rumeur, que je ne donne à mes lecteurs qu’avec effroi et consternation, doit encore être un mauvais coup de V. Poutine! Il osera donc tout!