Bon, je sais bien que ce n’est pas du tout raisonnable de dire deux mots des aventures et mésaventures de l’actuel leader des Républicains, Laurent Wauquiez, suite à ses cours donnés à l’EM Lyon, mais doit-on toujours être raisonnable qu’on dispose d’une si belle occasion de rire (jaune)?
Tout d’abord, je n’ai pas vu souvent passer l’information selon laquelle ce cours avait déjà attiré l’attention du journal Le Monde qui lui consacre un article avant que la polémique n’éclate. C’est en page 12 du Monde daté du vendredi 16 février 2018, « Le prof Wauquiez disserte sur le ‘défi des communautarisme' », sous la plume de Olivier Faye. Le lire a posteriori m’a bien fait rire : Thierry Picq, le directeur de la dite école, déclare au journaliste que L. W. « interviendra comme expert, et bien évidemment de manière apolitique » [sic]. Le plus drôle est que le ton de l’article et son titre soulignent bien que L. Wauquiez va d’évidence tenir un discours politique, au sens d’idéologique, et laisse planer le doute sur la nécessité pédagogique de ce genre d’interventions (doute que je partage of course), mais il n’envisage pas du tout le tour politicien de l’affaire à venir, au sens des « propos de comptoir » ou « propos de table » que le dit Wauquiez va tenir ensuite.
Ensuite, les réactions des uns et des autres, selon qu’on croie que L. Wauquiez l’a fait exprès pour faire nouvelle autour de lui, ou selon qu’il est juste un peu moins professionnel en matière de communication qu’on pourrait s’y attendre, semblent se calquer exactement sur ce qu’on peut savoir des a priori de chacun sur le dit Wauquiez. Plus on le déteste, plus on le croit stratège. Pour ma part – et n’allez pas du coup me soupçonner de l’apprécier -, en entendant les extraits diffusés par les médias, leur contenu et leur ton, j’ai plus eu l’impression qu’il a voulu « frimer » devant des jeunes gens qu’il croit tout acquis à sa cause, qu’il a voulu « épater » la jeunesse. Cela parait bête, mais, en situation, face à tant de jeunes admiratifs, comme n’importe quel professionnel appelé à témoigner de son métier, il a pu se laisser aller à en rajouter. En particulier, pour soutenir cette vision d’un bug pédagogique, je ne vois vraiment pas quel intérêt objectif il aurait eu à faire allusion dans l’espace public large à un Sarkozy mettant sur écoute ses propres ministres. Cela ne peut qu’énerver l’intéressé, qu’on sait rancunier, et cela ne lui fera gagner aucun appui nouveau dans l’électorat. En « assumant » tout le reste, L. Wauquiez s’est d’ailleurs ensuite excusé dans les médias sur ce seul point.
Enfin, il faudrait tout de même commencer à s’interroger sur le « cas Wauquiez ». Actuellement, il est un des rares politiciens qui déclenche de telles détestations dans son propre camp. Il y aurait toute une revue de presse à faire d’articles (comme les portraits à charge donnés de lui d’il y a quelques années dans le Monde, ou plus récemment le dossier d’Acteurs de l’économie Rhône Alpes sur sa manière de gérer sa région) ou même de livres désormais (avec celui d’un conseiller régional de la droite de Rhône-Alpes) qui dénoncent son caractère et dont les informations ne viennent visiblement pas des opposants de gauche ou d’extrême-droite du personnage. Cela correspond aussi à un autre mystère (en tout cas pour moi): mais, pourquoi ce politicien qui a fait tout le cursus honorum de nos élites essaye-t-il à tout prix d’apparaitre aussi peu doué intellectuellement que … (complétez vous-même!)? Je comprends bien la stratégie de « trumpisation » ou « salvinisation » (de M. Salvini, Italie), mais, dans le fond, est-ce la bonne stratégie de communication dans un pays qui ne déteste pas que son Président de la République apparaisse comme un militaire lettré, un essayiste, un intellectuel, un esthète, voire un (élève de) philosophe? Même Sarkozy ne veut pas laisser croire désormais qu’il est et fut un « gros lourd ».
Enfin, un grand merci tout de même à L. Wauquiez d’être ce qu’il cherche à paraître.
En ce qui me concerne, toute cette histoire confirme les impressions que j’avais depuis quelques années déjà sur Laurent Wauquiez, dont je ne suis pas fan soit dit en passant. À savoir que son ambition dévorante, malgré (ou à cause de ?) sa scolarité dans les grandes écoles (ENA et Normale sup) le rend idiot, et lui fait faire des choses irrationnelles sur le plan politique :
– cracher en même temps sur ceux qui lui ont permis d’arriver à la tête de LR (les sarkozystes) et sur ceux contre qui il a fait une campagne ultra clivante (les juppéistes),
– se faire plus d’ennemis que de soutiens, et ce sans rassembler son camp.
Sans parler de ces dégoûtés de la politique que Brice Teinturier appelle les PRAFistes (pour « plus rien à faire, plus rien à foutre »). Wauquiez vient de leur donner une nouvelle raison de penser que la politique est un milieu peuplé de carriéristes hypocrites qui disent une chose devant les micros et une autre quand ils sont fermés ou supposés l’être. Des hypocrites qui prennent les électeurs pour des imbéciles à la mémoire de poisson rouge. L’attitude de Wauquiez ne peut qu’alimenter le cynisme chez les citoyens…
@ senitbaro : oui, j’en ai bien peur, et c’est d’autant plus grave qu’il est « jeune » pour les normes françaises de la carrière politique.
J’aime beaucoup la chute du billet. J’ai tendance à penser qu’avec ce genre d’épisode, LW joue à la fois contre son camp et pour lui : pour lui parce que je ne pense pas que sa base, hors de la sortie sur Sarkozy, lui reprochera ce qu’il a dit – au contraire, je verrais bien sa popularité chez les militants être renforcée -, mais contre son camp parce que la radicalisation ou droitisation de LR ne me semble pas être le chemin qui les ramènera au pouvoir. Je note d’ailleurs que, à part la primaire socialiste de 2011 qui a abouti à l’élimination de la candidate clivante au profit d’un candidat plus consensuel, les primaires ou la parole donnée aux militants depuis conduisent à la désignation de personnalités clivantes.
Sinon, vous écrivez « le dossier d’Acteurs de l’économie Rhône Alpes sur ma manière de gérer sa région ». Quel lapsus ! ;-)
@ POC : merci d’avoir noté le lapsus, je l’ai corrigé.
Et je suis d’accord qu’il y a eu en 2016-2017 une tendance à la prime aux personnalités clivantes quand les électeurs ou militants d’un camp ont été amené à s’exprimer directement. Cela a d’ailleurs été du coup la force d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle.
Belle estocade finale qui devrait lui faire sortir les boyaux de la tête.