L’affaire de la finale au Stade de France est lue par la plupart des médias et des commentateurs comme une autre démonstration de l’incurie du Préfet de police de Paris et de l’irresponsabilité du Ministre de l’Intérieur. La droite et l’extrême-droite soulignent que les supporters de Liverpool ont été attaqués autour du Stade de France par des « sauvages », à savoir les suspects habituels en pareil cas, « jeunes de banlieue » et « mineurs étrangers isolés », sans que la police, pourtant présente en masse, ne réagisse. La gauche s’indigne plutôt de la n-ième démonstration d’un maintien de l’ordre « à la française » contre ces mêmes supporters, à grands renforts de gazeuses et de gaz lacrymogène. Au regard des témoignages des dits supporters de Liverpool, les deux camps hexagonaux ont d’ailleurs sans doute raison tous les deux – ce qui bien sûr ne les excite que plus l’un contre l’autre (« Racistes! » vs. « Laxistes! Islamo-gauchistes! »). L’affaire est cependant vue comme essentiellement française.
On peut aussi y voir une concordance des temps franco-britannique. En effet, l’actualité britannique est actuellement occupée par les suites de ce que la presse appelle le « Partygate », à savoir le scandale lié à toutes ces fêtes organisées par les personnes travaillant pour Boris Johnson dans les locaux mêmes de l’administration de Westminster au moment des confinements décrétés pour lutter contre le CCVID-19 en 2020 et 2021. Malgré l’évidence d’une responsabilité de B. Johnson dans le fait d’avoir (au minimum) laissé faire ces fêtes et d’y avoir participé lui-même, ne serait qu’à l’insu de son plein gré, ce dernier se refuse de son côté à démissionner, de manière tout aussi résolue qu’un Darmanin de ce côté de la Manche. Ils s’excusent, reconnaissent certes quelque manquement, mais ne démissionnent point.
Dans les deux vieilles démocraties, on se trouve donc rendu au même point. Selon les éléments rassemblés par la presse, les réseaux sociaux, et éventuellement des enquêtes policières ou administratives, un responsable politique ment effrontément, ou,si l’on veut y voir le côté comique, galéje tel un personnage de Pagnol. Les déclarations de notre Ministre de l’Intérieur sur les dizaines de milliers de billets d’entrée contrefaits ne correspondent ainsi visiblement pas à grand chose. Les photos de B. Johnson verre en main dans l’une ou l’autre fête en principe interdite ne sont même pas dénoncées par lui comme des deep fake produites par les services secrets russes. De notre côté, des soutiens de la majorité présidentielle ont été jusqu’à voir dans la situation autour du Stade de France l’intervention de la mafia russe. (C’est Poutine qui a dû bien rire si l’information lui est parvenue.) Les réactions de B. Johnson à toutes les preuves accumulées qu’il était au courant de ces fêtes ont surtout consisté à virer des lampistes, et il semble que, du côté français, on s’oriente dans la même direction.
Il est difficile de ne pas voir dans ces deux situations une évolution très inquiétante pour les deux vieilles démocraties. Certes le mensonge fait partie depuis toujours de la vie politique des États, de la raison d’État, mais, dans les deux cas, on se trouve face à deux personnages qui sont pris, comme on dit en italien, les mains dans le pot de confiture, et, malgré l’évidence de leurs manquements respectifs, ils ne démissionnent pas de leur poste. C’est cet affichage du mensonge – ne serait-ce que parce qu’on n’en tire pas la seule conséquence morale possible, démissionner – qui me parait grave. Comment maintenir ensuite une norme minimale de comportement chez tout un chacun? Mentir suppose de ne pas se faire prendre en train de mentir. C’est une norme de la vie sociale, que les enfants apprennent assez tôt je crois, et la vie politique ne peut guère s’en abstraire. Ou alors on passe vraiment à autre chose… (Et, dans le cadre de la raison d’État, il ne saurait être question d’être pris sur le fait, ou alors il faut assumer ce manquement à la morale au nom d’une valeur politique supérieure, tel un Mussolini assumant le meurtre de Matteoti par ses partisans.)
En même temps, rassurons-nous tout de même : dans les deux pays, le droit reste préservé de dire publiquement que les deux personnages arrangent la vérité à leur manière. C’est déjà cela. Et comme dirait notre bon Président, Emmanuel Macron, qui s’y connait en vie démocratique, ce n’est pas la dictature, pas la Corée du nord tout de même. Juste le triomphe de l’irresponsabilité des deux côtés de la Manche, une belle « Entente cordiale » en somme.
Et, du coup, comment prétendre éduquer la jeunesse après ça? Il ne vaut mieux pas y penser.
PS (en date du 11 juillet 2022) : Lueur d’espoir. Boris Johnson a tout de même fini par démissionner suite à la révolte de près de la moitié de son Cabinet ministériel. Mais il reste pour expédier les affaires courantes jusqu’au choix de son successeur par le Parti conservateur. Il n’est pas complètement certain qu’il soit vraiment parti pour de bon. Visiblement, sa tendance à mentir sur tout et n’importe quoi, y compris à ses plus proches alliés, a fini par le couler.
Oui certes, mais les deux mensonges sont-ils vraiment équivalents et ont-ils surtout la même signification et la même portée ? Le mensonge de Boris n’a guère d’implication : il s’agit juste de la vieille tradition qui veut que le prince ne soit pas soumis aux mêmes contraintes que le petit peuple. C’est désagréable dans une démocratie, mais tant que le chef fait son job, on s’en fiche. D’ailleurs, les gens modestes ne lui en veulent pas puisqu’ils continuent de le soutenir (cf. l’accord avec le Rwanda pour virer les migrants). Dans le cas de Gérald, c’est tout autre chose : c’est le refus de prendre en compte la réalité de la situation du pays, avec ses zones de non droit où l’on produit à la chaîne de l’ensauvagement, et où le pouvoir laisse faire, voire prend les gens pour des buses en leur expliquant que le 93 est la nouvelle Californie, et même en nommant à l’éducation un type qui officialise le discours indigéniste et racialiste. Bref, il y a mensonge et mensonge.
@ vince38 : Bien sûr, on peut dire que laisser organiser des fêtes dans ses services administratifs pendant le COVID est bien moins grave que couvrir un subordonné qui n’a pas su gérer un grand événement sportif, mais tu négliges ce que ces fêtes signifient pour les gens qui ont été privés de voir leurs proches au moment de leur décès. La fête d’un côté et des morts solitaires de l’autre. Tu auras beau dire, c’est choquant pour la morale commune. De plus, partager les difficultés de ses sujets fait à mon sens partie de la grandeur d’un vrai chef. (En plus, au R. U., ils ont été excellents sur ce point en 1939-1945, comme le rappelle d’ailleurs ce jour de jubilé de Sa Majesté Elizabeth II. ) Contrairement à ce que tu dis, les intentions de vote pour le Parti conservateur baissent plutôt depuis cette affaire.
Pour les mensonges de Darmanin, tu oublies le premier, celui sur les hordes de Britanniques sans billets. Il y aussi un problème de gestion des flux de supporters.
Pour le reste (sans te suivre dans ta confusion avec le nouveau Ministre de l’éducation), étant un peu au première loge en la matière, il est sûr que l’état de la délinquance dans le pays ne correspond pas aux discours lénifiants du pouvoir actuel. C’est d’ailleurs plutôt fascinant de voir à quel point la « macronie » a réussi à mettre ce problème-là hors de l’attention des médias. D’où peut-être l’impact de ce qui s’est passé autour du Stade de France. Une sorte de rappel qu’il y aussi ce problème-là, en plus de tous les autres (pouvoir d’achat, santé,etc.).
@Bouillaud
Pourquoi ces pudeurs de gazelle?
L’honnêteté intellectuelle consiste à dire la vérité, à savoir qu’aujourd’hui en France la délinquance qui pourrit le quotidien des braves gens est majoritairement importée!
Chiche pour faire des statistiques honnêtes sur tous les condamnés non-incarcérés et incarcérés pour faits de violences (je ne parle pas ici des petites infractions au Code de la route!), dégradation de biens publics, trafics divers et variés, meurtres et tentatives de meurtre, vente de stupéfiants, proxénétisme et autres joyeusetés. Statistiques prenant en compte la nationalité ET l’origine ethnique des personnes concernées et l’on verra alors que certaines communautés sont sur-représentées par rapport à leurs « poids réel » dans la population total du pays!
Mais chut! Il ne faut surtout pas dire le réel sous peine d’être contraint de constater qu’il ne ressemble pas à celui qu’imaginent les Bisounours qui ne vivent pas dans ces quartiers et sous influence néfaste des médias menteurs sur l’impact de l’immigration sur la délinquance et en particulier l’immigration en provenance du Maghreb, de l’Afrique sub-saharienne et dans une moindre mesure des Balkans.
Leo Strauss a bien synthétisé la seule attitude que peuvent nous opposer les sachants dits « progressistes » quand ils sont à court d’arguments: « Reductio ad Hitlerum » et ainsi le débat est clos avant d’avoir commencé!
Heureusement l’expérience nous apprend que le réel est toujours plus fort que l’idéologie.
@ Jean Paul B. :
Quelque soit l’origine nationale des délinquants, c’est à la police et à la justice de faire son travail. Ce n’était une « pudeur de gazelle ». C’est juste que ce n’était pas la question, sauf à supposer qu’avec ce genre de personnes originaires des pays du Maghreb, d’Afrique sub-saharienne, etc. la police et la justice ne pourraient par définition plus rien faire. Pour le coup, je vois bien dans mon propre quartier (désormais bien connu de toute la France audiovisuelle pour son niveau de délinquance) que la tranquillité publique dépend beaucoup du niveau d’activité ou d’inactivité des forces de l’ordre.
« leur poids », « population totale »