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Et voilà c’est dit: « il faut revoter, messieurs les Irlandais ».

D’après une information parue dans la presse française et irlandaise, N. Sarkozy aurait déclaré aux députés de l’UMP qu’il recevait à l’Elysée qu’il faudrait de toute façon que les Irlandais revotent sur le Traité de Lisbonne. Ce n’est pas vraiment un scoop que cela constitue pour l’heure la seule ligne de conduite des élites gouvernementales européennes (voir mes posts précédents sur le sujet). Il est déjà question d’une sorte de package offert aux Irlandais pour que les politiciens irlandais puissent soutenir publiquement la nécessité de ce nouveau vote, peut-être une contre-réforme sur le nombre de Commissaires qui resterait fixé à un par Etat membre… (information qui, si elle se confirmait, voudrait dire qu’on détricote encore un peu plus le compromis constitutionnel de 2004 sur un point présenté jusqu’ici comme essentiel pour assurer une plus grande efficacité de la Commission et donc de l’Union européenne).

Plus intéressant me semble être le fait que des élus UMP aux noms non précisés aient décidé de donner ce « propos de table » du Président en pâture à la presse. Cela ne peut que lui compliquer la tâche, puisque tout le monde sait effectivement qu’il faut que les Irlandais revotent, mais aussi qu’il ne faut surtout pas le dire tout de suite à la demande expresse du gouvernement irlandais qui compte fondamentalement sur la faible mémoire politique du citoyen ordinaire pour faire passer le nouveau vote. Il est vrai que, dans ce jeu de faux-semblants, on peut se perdre, mais une chose reste claire : « Lisbonne doit entrer en vigueur » aussi sûrement que Carthage devait être détruite. Le Président polonais, aprés sa déclaration où il affirmait, ne pas vouloir signer le Traité à ce stade, a garanti sa signature si tout le monde ratifiait. Quant à la Cour constitutionnelle tchéque…. pourquoi perdre son temps à même la mentionner?

Je note aussi en passant que, n’en déplaise à Jean Quatremer qui n’était pas loin d’attribuer sur son blog une part de la responsabilité du non irlandais de cette année à José Manuel Barroso, les dirigeants européens de centre-droit semblent s’orienter vers une proposition de reconduction de ce dernier à son poste de Président de la Commission. Il semble que N. Sarkozy soit pour cette idée (en dépit même des mauvaises relations que la presse a prêté au couple Sarkozy-Barroso) et que S. Berlusconi aille dans le même sens (même remarque pour le couple Barroso-Berlusconi, ou plutôt Commission européenne-Berlusconi). Il s’agirait là d’un développement des plus significatifs, J. M. Barroso deviendrait donc le candidat du PPE à sa propre succession selon un scénario proche de celui prévu par S. Hix. L’intérêt d’une telle candidature serait évidemment qu’il serait de fait « le sortant », et que les (jusqu’ici) rares électeurs un peu attentifs à la dimension européenne de l’élection européenne seraient donc invités à juger les politiques publiques menées par la Commission européenne depuis 2004 – même si de fait la Commission comprend une minorité de socialistes et sociaux-démocrates. Ce scénario inédit depuis 1979 serait une grande chance pour les opposants à la ligne actuelle de la Commission, de droite comme de gauche; une focalisation anti-Barroso pourrait s’effectuer, puisqu’il serait possible aux opposants de lui attribuer toutes les faiblesses de l’Europe (trop libérale ou trop socialiste, trop centralisatrice ou pas assez fédéraliste), le tout dans un contexte probable de récession économique générale en Europe. Une telle situation donnerait du sens à la campagne des Européennes de l’année prochaine et serait en particulier une chance pour les socialistes français.