Les résultats du second tour des élections municipales italiennes de ce printemps 2011 ont largement confirmé les surprises du premier tour. Pour la première fois depuis son retour au pouvoir national en 2008, l’alliance centrée autour de la personne de S. Berlusconi donne des signes évidents de faiblesse électorale. Vu la gestion médiocre de la crise économique par la coalition au pouvoir depuis 2008 et la stagnation d’un peu tout en Italie (sauf des problèmes plus ou moins éternels du pays : question méridionale, maffias, qualité de l’éducation, démographie, etc.), la nette victoire de la coalition de droite aux élections régionales de l’année dernière s’avérait plutôt contre-intuitive, et donnait l’impression que l’électorat italien était désormais atteint de paralysie cognitive, pour ne pas dire de sénilité ; désormais, la logique de l’évaluation de la performance des gouvernants par les électeurs (ou tout au moins par une partie des électeurs) reprend le dessus, or, comme la performance de l’actuelle majorité de centre-droit s’avère plutôt faible au niveau national – comme l’a d’ailleurs souligné la dirigeante de la Confindustria à la veille de l’élection -, il fallait s’attendre à un reflet local de cette situation, et ce d’autant plus que S. Berlusconi, peut-être illusionné par ses victoires des années 2009-2010, avait décidé de personnaliser ces élections municipales autour de sa personne, tout au moins dans les métropoles en jeu cette année, Milan et Naples.
La défaite personnelle de S. Berlusconi n’en est du coup que plus patente. Au premier tour, les préférences sur le nom de S. Berlusconi, tête de liste de son propre parti pour le conseil municipal de Milan, ont été étonnamment peu nombreuses (17.000 contre plus de 50.000 aux élections précédentes). Des facteurs locaux se sont ajoutés à ce contexte national dégradé. A Milan, le candidat de l’opposition de centre-gauche l’emporte au second tour avec 55% des voix (sur 67% de participation). L’exploit de Giuliano Pisapia, un ancien député du Parti de la Refondation communiste choisi par les primaires du centre-gauche contre un candidat plus centriste, ne doit vraiment pas être sous-estimé. Les ancêtres des partis actuels de centre-gauche avaient en effet régulièrement perdus les élections municipales milanaises depuis 1993, et il faut rappeler qu’il faut remonter aux années 1980 pour trouver un maire (socialiste) qu’on puisse identifier à la gauche au sens propre du terme. Le dernier maire socialiste du début des années 1990, Paolo Pilliterri, faisait partie de ces socialistes à la Bettino Craxi, tout aussi corrompus que reclassés très nettement à droite du point de vue idéologique, et l’héritage de « la Milano da bere » (la Milan à boire, par allusion à l’importance des sorties en soirée de cette classe politique-là) se retrouvait d’ailleurs dans la coalition de droite des années 2000. De ce point de vue, les journalistes qui parlent d’événement historique ne se trompent pas. En dehors des aspects nationaux (crise économique, doutes pour être vraiment gentil sur la moralité de S. Berlusconi, etc.), les aspects locaux ont joué leur rôle. Milan, censée être la capitale de la modernité en Italie, se trouve tout de même être quand on la visite encore une fois une ville qui semble arrêtée dans ses problèmes désormais anciens (mauvais état de tout ce qui est public, pollution, saleté, etc.). La lecture des pages milanaises du Corriere della Sera permettait de collectionner des exemples d’impéritie municipale, qui me faisaient me demander à chaque fois de quel bois étaient faits les électeurs milanais pour tolérer cela. J’ai désormais ma réponse. Ils sont un peu lents, c’est tout. Par ailleurs, mais cela concerne peut-être seulement les milieux économiques les plus avertis, une Exposition universelle devrait avoir lieu à Milan en… 2015, soit dans quatre ans, et visiblement, cela patine dur, pour ne pas dire plus. Je me demande d’ailleurs comment la nouvelle administration municipale va pouvoir sauver l’affaire. Plus généralement, l’enjeu proprement milanais est de faire fonctionner de nouveau une administration dont la dernière heure de gloire remonte aux années de la reconstruction et du Miracle économique (1946-1965).
A Naples, la défaite est tout aussi cuisante, un juge entré en politique il y a quelques années Luigi De Magitris, dans le parti Italie des valeurs d’Antonio Di Pietro, l’emporte avec 65% des voix (mais avec une participation plus faible de 50% seulement). Le premier tour avait vu une opposition entre deux listes de centre-gauche, une menée par le Parti Démocrate qui contrôlait la mairie depuis des années, et une autre menée par les dissidents justicialistes du centre-gauche autour de ce juge politicien. Les listes menées par De Magistris l’ont emporté au premier tour contre la gauche identifiée à la mauvaise gestion de la ville depuis les années 1990 (dont le mondialement célèbre problème des ordures), et, au second tour, contre la liste d’alternance proposée par la droite locale. La victoire de De Magistris ne fait sans doute d’ailleurs plaisir, ni à son chef de parti, Antonio Di Pietro avec lequel la querelle est constante depuis au moins deux ans, ni aux dirigeants du Parti démocrate, principal parti d’opposition, ni bien sûr à Silvio Berlusconi. Un juge, nécessairement un malade mental, porté au pouvoir local par le peuple, une horreur absolue! J’imagine déjà la prochaine visite de S. Berlusconi à Naples…
Les autres résultats ne sont pas plus encourageants pour la droite au pouvoir, et l’expérience a montré, depuis au moins les années 1970, que les défaites dans les élections locales quelles qu’elles soient d’ailleurs (municipales ou régionales) annoncent des défaites aux élections générales qui suivent.
Donc, à ce stade, l’agonie du berlusconisme commence vraiment; sera-t-elle longue? Pour l’instant, une majorité – dont une partie de députés et sénateurs littéralement « achetés » à l’opposition – parlementaire existe, et, dans le fond, l’opposition a tout intérêt à laisser la bête s’affaiblir encore une année, et à laisser les alliés de la coalition de droite s’entredéchirer.