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« Le pire est passé » (F. Hollande, 18/10/2012)

Dans son entretien avec cinq journaux européens, publié dans le Monde, François Hollande a prononcé cette phrase décisive en réponse à la question d’un journaliste :

« Le pire est passé ?

Le pire – c’est-à-dire la crainte d’un éclatement de la zone euro –, oui, il est passé. Mais le meilleur n’est pas encore là. A nous de le construire. »

Voilà bien une réponse qui peut aussi bien marquer son temps que disparaitre rapidement dans le flux de l’actualité. Si le pire est effectivement passé – ce qui voudrait dire incidemment que Nicolas Sarkozy et ses équipes ont été plutôt efficaces au total depuis 2008 dans la gestion de la crise -, la phrase sera vite oubliée. Si, inversement, nous n’avons encore rien vu de cette crise européenne, comme auraient tendance à le prédire bien des économistes,  cette phrase restera (peut-être) dans les annales de l’aveuglement politique des dirigeants.

Pour ce qui est du contenu de cet entretien, rien de bien nouveau sur la position française. Il est urgent de ne pas parler de fédéralisme, renvoyons tout cela au lendemain des élections européennes de 2014.

Même Bernard Guetta, ce matin sur France-Inter,  semble déçu. C’est dire.  Françoise Fressoz parle, elle, d’« euro-réalisme ». En tout cas, la stratégie affichée par cet entretien de F. Hollande semble être de continuer à corriger les défauts de construction de la zone Euro « par le haut » et « par l’intergouvernemental », comme on ne cesse de le faire depuis 2008, sans trop demander son avis au « bas » et sans trop renforcer le « communautaire ». F. Hollande propose en effet, si j’ai bien compris, d’institutionnaliser des réunions mensuelles des chefs d’État et de gouvernement de la zone Euro (idée déjà exprimée par N. Sarkozy?), ce qui n’est pas loin de vouloir créer une Présidence collégiale de la zone Euro – cette fédération de fait qu’il accepte et souhaite renforcer,  tout en refusant la logique démocratique habituelle des fédérations…  François Hollande sous-estime peut-être, qu’au delà des effets sur l’opinion publique de la crise économique (qu’il repère bien à la fin de son entretien) dans la perception par cette dernière de l’Union européenne, une crise rampante de légitimité frappe la construction européenne au niveau d’une partie des élites sociales, intellectuelles, voire même économiques. Celle-ci n’est pas seulement exprimée par des eurosceptiques, des nationalistes, des souverainistes, mais aussi par des europhiles comme un J. Habermas par exemple.

F. H. accélère… dans le mur?

On ne pourra pas reprocher à François Hollande de ne pas tenir ses promesses de campagne, du moins de ne pas tenir l’une de ses promesses principales, celle portant sur le « rétablissement des comptes publics ». Elle était bien explicitée par un schéma dans une de ses brochures de campagne que j’ai gardée dans mes archives personnelles. Elle correspond aux engagements pris par la France dans le cadre européen actuel – que F. Hollande va faire sous peu entrer dans la loi française. Elle ne s’éloignait guère de ce que proposait en la matière le Président sortant, Nicolas Sarkozy, ou le candidat centriste, François Bayrou. Le Président Sarkozy avait d’ailleurs à sa manière commencé à mettre en œuvre cette ligne « austéritaire » depuis un an au moins. Il n’y a donc pas là de quoi être très surpris. Tout se passe comme prévu.

Cependant, entre le moment où le candidat Hollande a déterminé sa ligne en la matière (sans doute dès l’automne 2011) et aujourd’hui, on peut tout de même dire que cela se précise : pour l’instant, l’austérité budgétaire n’a pas vraiment l’air de provoquer la reprise économique attendue dans les pays européens de la zone Euro qui l’ont mise en œuvre avec une vigueur bien plus grande qu’ici : je ne cesse en effet de lire des révisions de chiffres ou des prévisions de croissance révisées à la baisse pour la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne… ce qui rend bien sûr le bouclage budgétaire plus difficile dans ces pays. Le seul élément positif, c’est, semble-t-il, l’amélioration du solde du commerce extérieur de ces mêmes pays – mais qui correspond à une demande qui n’arrive plus ailleurs, en Chine tout particulièrement (la demande de produits chinois par l’Italie aurait baissé de 40% en un an).  Les économistes critiques de ce cours des choses, à tout dire un peu suicidaire, ont pourtant essayé d’initier le grand public cultivé à la notion de « multiplicateur budgétaire », un ratio qui calcule en l’espèce la baisse de la croissance induite par une baisse des dépenses publiques ou une hausse des impôts. Rien n’y fait. Continuons gaiement! Il en va de notre crédibilité devant le haut tribunal des marchés financiers.

Tout cela reste à préciser lorsque le budget 2013 de l’État sera vraiment présenté devant le Parlement, mais les annonces du Président Hollande, si elles sont suivis d’effets, signifient que la France va entrer à son rythme normal dans cette spirale vers le bas que connaissent la Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal… Pour parer l’argument, le Président a prétendu que les hausses d’impôts et de taxes ne limiteraient pas la consommation du vulgum pecus, moteur essentiel de notre économie, puisqu’il serait peu visé par ces dernières…  Encore qu’en augmentant les taxes sur le tabac… et, parait-il, sur la bière (ô misère!), je ne vois pas  en quoi cela épargnerait les fragiles finances du dit vulgum pecus (sauf s’il s’arrête derechef de fumer et de boire!).  Je veux bien que nos « budgétaires » soient des génies capables de choisir avec doigté (contrairement à ces gros lourds de méditerranéens…)  les mesures fiscales qui impactent le moins possible la consommation des ménages (ordinaires) et l’investissement des entreprises, mais cela m’étonnerait tout de même que la hausse de l’impôt sur le revenu pour la plupart de ceux qui le payent (via le maintien du barème en 2013)  n’ait pas un effet sur la demande agrégée des ménages. Et, peut-être, le dit vulgum pecus n’a encore rien vu si la rumeur persistante d’une hausse de la CSG se confirme… Pour ne pas parler de la réforme de la fiscalité de l’épargne… etc.

L’intervention de F. Hollande aura été marquée aussi par cette déclaration selon laquelle le gouvernement s’apprêtait à établir son budget avec une hypothèse de croissance de… 0,8% (plutôt que 1,2%). En d’autres temps, cela aurait été considéré comme un désastre, cela paraitra à beaucoup comme une marque de « sérieux », encore que j’ai lu que certains commentateurs lui reprochent de ne pas être plus loin dans le dit « sérieux » en proposant 0,5%…  Je me demande en fait ce que ces derniers auraient dit si F. Hollande avait annoncé, mettons, une récession de 2%… Auraient-ils encore approuvé? Et à 5% de récession? etc. Quoi qu’il en soit, que ce soit 1,2%, 0,8% ou 0,5% de croissance attendue en 2013, cela veut signifie qu’il est désormais certain que le nombre de chômeurs va continuer à augmenter nettement en France. En d’autres temps, cela aurait été considéré avec sérieux.  Aujourd’hui, en pratique, la lutte contre le chômage, au moins contre le chômage réellement existant, pas celui de demain et d’après-demain, qui lui préoccupe beaucoup les gouvernants, ne fait pas  partie des priorités. Bien sûr, il existe un joyeux verbiage autour du terme, un peu pénible à entendre au fil des années, mais, si l’on accepte comme donnée de départ, 0,5% de croissance, il va de soi que le chômage va continuer sa hausse en 2013 et sans doute aussi en 2014. Or cette hausse ne peut qu’induire elle-même un affaiblissement de la consommation des ménages touchés par le chômage, et, peut-être, une épargne de précaution supplémentaire de la part de ceux qui craindront pour leur emploi ou pour celui de leurs proches.

Bref, on va se faire rire…

Comme politiste, je me permets aussi de noter que cela veut dire a) qu’en 2013, il ne peut être aucunement question de consulter le peuple sur quoi ce soit, toute grande avancée européenne qui demanderait un référendum se trouve de fait interdite, s’il doit se passer quelque chose en ce domaine, cela passera par le seul Congrès, b) qu’en 2014, les élections municipales vont probablement ressembler pour la gauche au pouvoir dans les villes à un nouvel épisode de « massacre à la tronçonneuse » façon 1983. Jeunes gens ambitieux des deux sexes, c’est maintenant le moment de rejoindre l’un des partis de l’opposition de droite… il y aura des postes à prendre.