Berlusconi strikes again

Ah ce cher Berlusconi. En tant que spécialiste de la vie politique italienne, je ne peux que me féliciter  (cyniquement il est vrai) de son existence. Bien qu’il soit une personne particulière, il est prévisible comme une horloge tessinoise. La semaine dernière à la fin d’une conférence de presse commune avec le Président russe, il a déclaré, comme le lecteur le sait sans doute, qu’Obama était, je le cite en le traduisant, un « homme beau, jeune et bronzé », et qu’il allait donc se trouver facilement d’accord avec Medvedev, lui aussi jeune (et beau? mais pas bronzé!). Sur la vidéo de la conférence de presse, le dit « jeune » semble faire une moue, du genre de celle que Gianfranco Fini avait fait début juillet 2003 dans l’amphitréatre de Strasbourg quand en pleine séance du Parlement européen le même Berlusconi avait émis sa blague sur le « rôle de kapo » à attribuer à Martin Schulz, un élu allemand du PSE qui l’avait provoqué avec une question  pourtant bienvenue. Naturellement, la « blague », présentée clairement comme telle par l’attitude de Berlusconi littéralement impérial (néronien?) lors de cette conférence de presse, n’a pas été appréciée par tout le monde, ou plutôt elle l’a été à sa juste valeur. Les sites Internet des deux Mondes l’ont reprise pour s’en indigner , au point que la Première Dame de France, d’origine italienne, comme chacun sait, s’est ajoutée à la longue liste des Italiens se désolidarisant de cet humour. Il y aurait eu 1500 posts sur le site du New York Times à propos de cette blague.

Il me semble intéressant de signaler que S. Berlusconi ne s’est pas du tout repenti à ce jour. Il a même traité tous les gens qui ne comprendraient pas cette « carineria » (gentillesse) d’imbéciles, en premier les journalistes qui dans le discours du chef de « Peuple de la liberté » , comme chacun sait, sont tous plus ou moins des communistes – même ceux de The Economist (sic). Il a ajouté qu' »il en avait marre et qu’il dirait ce qu’il pense ».

Cette dernière réaction ulcérée du personnage, qui a tout de même 72 ans et pense être plus ou moins éternel, me semble révélatrice d’une réalité : contrairement à une théorie qui voudrait que S. Berlusconi maîtrise ses blagues comme un instrument de communication, pour marquer sa différence, cela me confirme que ce dernier ne sait pas complétement se maîtriser, et qu’arriver au faîte de son pouvoir – il a été triomphalement réélu ce printemps -, il aimerait se révéler « au naturel » et que cela ne choque plus personne, qu’il n’y ait plus d’imbéciles. Lors d’un Conseil des ministres européens lorsqu’il assumait plusieurs postes ministériels à la fois, il avait fait des « cornes » à l’un de ses collégues lors de la « photo de famille ». Les Italiens de gauche avaient été honteux, les autres s’étaient plutôt amusés de l’incident.  Le contexte pouvait à la limite faire penser à une tactique de sa part pour raviver les tensions entre son camp et ses opposants. Le dernier en date ne peut correspondre à aucune stratégie, S. Berlusconi est encore aprés six mois de pouvoir à l’apogée de sa popularité, il n’a pas le besoin de resserrer les rangs de sa majorité (il ne lui reste plus que des fidèles…), tout simplement cela lui faisait visiblement plaisir de dire  publiquement ce genre de bêtise – qui représente évidemment un lourd sous-entendu raciste.

En fait, S. Berlusconi devient de plus en plus fascinant avec les années parce que, d’une part, il use et abuse de toutes les ficelles du métier politique, que son projet politique incarné dans ses partis successifs  existe bel et bien au delà de la protection de ses propres intérêts de capitaliste, et que, d’autre part, il maintient une « distance au rôle » qu’il tient depuis 1993 déjà. Cette « distance au rôle » qui lui fait dire ce qu’il ne faut surtout pas dire publiquement ne tient pas seulement à une stratégie du « politique antipolitique », mais aussi à une contrainte psychique, qui peut-être va devenir de plus en plus claire à mesure que les années vont passer. Il ambitionnerait de plus de devenir Président de la République pour finir sa carrière en « père de la Nation » respecté de tous. C’est bien mal parti – ou alors, les Italiens auront à souffrir un Cossiga bis, ce Président grand « déparleur » du début des années 1990 et qui n’a cessé, malgré la maladie, de faire des déclarations malvenues ces dernières années. « Qui a dit la vieillesse est un naufrage », rappelez-moi.

Une réponse à “Berlusconi strikes again

  1. Je suis comme vous, plus fascinée qu’ulcérée par son commentaire. Le genre de sous-entendu raciste qu’on fait après un déjeuner entre amis initiés, entre une blague antisémite et une envolée homophobe … Même si je doute que Berlusconi soit plus intolérant que ses concitoyens.

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