Quand, lors de la revue de presse hebdomadaire de mes étudiants de 3ième année à l’IEP ce mardi, ces derniers ont rappelé à l’auditoire que N. Sarkozy avait déclaré en gros que le problème du caractère hallal ou non de la viande était le problème qui préoccupait le plus les Français, je n’y ai pas cru. Je me suis dit que mes étudiants se trompaient, mais il m’a été facile de vérifier (par exemple, ici ou là) qu’ils avaient bien fait le travail que je leur avais demandé.
Effectivement, le Président de la République française a déclaré lundi lors d’une visite à Saint-Quentin à des journalistes : «Le premier sujet de préoccupation, de discussion des Français – je parle sous votre contrôle -, c’est cette question de la viande halal.» (sic, selon le Figaro, qu’on ne peut soupçonner de bidonner les propos présidentiels!) . Deux journalistes du Monde, Arnaud Leparmentier et Vanessa Schneider, proposent une belle reconstitution à chaud de ce revirement, qui tient, semble-t-il, à une lecture de sondages indiquant que le cœur de cible électoral de N. Sarkozy discutait effectivement de la question. François Fillon a rajouté son grain de sel sur l’abattage rituel juif et musulman qui doit se mettre au goût du jour, et, voilà, effectivement, une belle polémique bien lancée.
Sur le fond, ce n’est pas la première fois qu’un leader de la « droite républicaine » en période d’élection présidentielle se lance dans un propos clairement destiné à attirer (ou retenir) la partie la plus xénophobe de son électorat potentiel. Aurait-on oublié la bonne vieille diatribe de Jacques Chirac sur le « bruit et l’odeur »?
Ces déclarations sur le hallal s’inscrivent donc dans une tradition de mobilisation de l’électorat conservateur : en effet, il est absolument certain que la viande hallal n’est pas la première préoccupation des électeurs français en général (d’ailleurs les sondages disponibles ne testent même pas ce supposé problème); par contre, il est tout aussi certain qu’une partie des électeurs, ceux qui se sentent proches des positions du Front National, se déclarent prioritairement préoccupés par l’immigration.
Autrement dit, je n’aurais pas dû m’étonner tant que cela.
Encore que je ne voie pas l’intérêt qu’il y a à donner de fait raison si vite à Marine Le Pen (après lui avoir donné tort dans un premier temps en plus), qui a évoqué la première le supposé problème il y a moins de trois semaines , ce qui va lui permettre ensuite de plastronner en soulignant qu’elle a eu raison de parler la première de « cette première préoccupation des Français ».
Encore que je ne voie pas l’intérêt de mettre en porte-à-faux une Rachida Dati que le camp présidentiel venait juste de mobiliser au service de la campagne présidentielle. Considère-t-on au château que tout l’électorat issu de la « diversité » (pour utiliser l’affreux jargon en usage) est de toute façon perdu, ou négligeable dans la recherche d’une majorité au second tour?
Encore que je ne voie pas l’intérêt de semer le désordre dans sa propre majorité (voir les déclarations des uns et des autres, y compris d’un Jean-Claude Gaudin), et de donner à tous ses opposants (en dehors du FN) le beau rôle de défenseurs des traditions républicaines de tolérance (et, accessoirement, des intérêts géopolitiques de la France).
Encore que je ne voie pas l’intérêt d’inquiéter la communauté juive par la même occasion, ou encore de mettre en cause la filière viande de l’agro-alimentaire qui a déjà connu quelques crises de confiance de la part du consommateur depuis 20 ans.
Bref, c’est bien beau de monter en gamme dans la provocation pour occuper le devant de la scène – cela peut certes marcher, comme l’a démontré un Berrlusconi pendant des années -, mais il faudrait tout de même penser à ne pas sombrer dans le ridicule!
Ps. Dans le même ordre d’idée, la déclaration de l’actuelle Madame Sarkozy, « Nous sommes des gens modestes. » Il ne manque plus qu’une déclaration du genre « Les Allemands, cela commence à bien faire… »