Les vertiges du succès.

François Hollande a réussi un exploit avec son émission télévisée de hier soir. Il a réussi en effet à se faire traiter de nul par Bernard Guetta le lendemain matin sur France-Inter. Le géopoliticien maison a certes cru bon de nuancer son propos en soulignant que tous les exécutifs du monde étaient nuls en ce moment et largement dépassés par les événements, mais, tout de même, de la part d’un très légitimiste Bernard Guetta qui vient juste de se rendre compte que le « démocrate-musulman » Erdogan est un tyran en devenir, cela m’a fait tout drôle au petit déjeuner. Les Gorafistes auraient-ils pris le contrôle des ondes de service public?

Et, puis ensuite sur les mêmes ondes, il y eu le plus accommodant sondeur Jérôme Jaffré qui, tout en soulignant prudemment que cet entretien télévisé posait des jalons pour la possible reconquête de l’opinion publique par F. Hollande, a qualifié d’« anti-communication » la déclaration du Président  affirmant que « la France va mieux », tellement en effet les Français eux n’ont pas du tout cette impression.

Ce n’est pas très étonnant d’ailleurs. Il faut rappeler en effet que, si certains indicateurs s’améliorent (un peu) comme l’a dit F. Hollande (celui du déficit public par exemple pour l’année 2015), celui qui concerne la principale préoccupation des Français selon les sondages – le chômage – vient encore de battre un record le mois dernier. Le matin même, l’économiste Eric Heyer de l’OFCE affirmait sur une chaîne de télévision que, sauf événement économique contraire inattendu, le chômage allait baisser désormais lentement, mais qu’il faudrait 7 à 8 ans (sic) pour retrouver le niveau de chômage d’avant le crise de 2007-8. Autrement dit, vu du monde du travail, les perspectives de ce côté-là restent noires, et elles risquent bien de le rester encore longtemps – pour un temps tellement long, me suis-je dit, que quelque chose (de très désagréable) risque bien de se passer en France d’ici là.

Dans l’immédiat, je suis comme bien des gens persuadé que F. Hollande va au désastre s’il se présente à l’élection présidentielle. Il sera battu. Il faut dire que la « Belle Alliance populaire » , nom de scène du groupe de politicard(e)s rassemblés cette semaine par J. C. Cambadélis au nom du PS pour le soutenir, fait immédiatement penser au nom de la ferme de « Belle Alliance » qui fut longtemps le nom de la bataille de Waterloo en allemand (« Belle-Alliance Sieg »). Je serais un fanatique d’occultisme, j’y verrais d’ailleurs l’évident présage que F. Hollande et ses derniers grognards vont être écrasés par la mâchoire des exigences britanniques et allemandes sur l’Europe.

De fait, la question qu’on devrait se poser désormais, c’est quelle excuse F. Hollande peut trouver pour ne pas se représenter.

En effet, tous ceux qui appellent F. Hollande à ne pas briguer un second mandat sous-estiment le poids d’opprobre qu’une telle décision ferait porter sur le personnage. Sous la Vème République, tous les Présidents de la République se sont représentés s’ils en avaient la possibilité. De Gaulle, VGE, Mitterrand, Chirac, Sarkozy l’ont fait. Il n’y a bien que G. Pompidou qui ne l’ait pas fait pour cause de décès prématuré. Ne pas se représenter se serait admettre aux yeux des Français et du monde entier que l’on n’était pas, comme s’est lâché à le dire ce matin B. Guetta, « fait pour le job ». C’est donc perdre complètement la face, et rester pour quelques années ensuite le Président le plus mauvais que la Vème République ait connu. Un exemple définitif du célèbre « Principe de Peter ».

Il vaut donc mieux pour F. Hollande aller bravement au désastre électoral qu’il pourra toujours attribuer ensuite à la conjoncture économique, à la crise européenne, à la désunion de la gauche, aux écologistes, aux jeunes, aux vieux, à Bolloré, à BFM, à Marianne, au MEDEF, aux syndicats, aux intellectuels, aux blogueurs, etc.. La seule façon d’échapper à ce désastre serait de trouver une bonne excuse pour ne pas se représenter qui ne soit pas liée à son échec à mener une politique qui satisfasse une majorité de Français. Le plus simple serait de se déclarer malade (et de l’être vraiment), par exemple d’un cancer – cela ferait certes mitterrandien ou pompidolien, mais cela permettrait aux éditorialistes de gloser ensuite sur l’époque nouvelle où la transparence est reine. F. Hollande en sortirait grandi. Les malades ne nous gouverneront plus. Une maladie neurodégénérative, point trop invalidante tout de même,  serait aussi très bien vue. Des problèmes cardiaques me paraitraient un peu limite – faisant croire à une excuse foireuse du genre : « Désolé, j’ai piscine. » – sauf à faire un grave malaise en une circonstance publique, à l’étranger si possible pour prouver que c’est vraiment du sérieux. Avec une maladie déclarée, l’obligation d’exprimer de la compassion pour l’homme l’emportera dans l’espace public. J’entends déjà Marine Le Pen ou Nicolas Sarkozy souhaiter un bon rétablissement au Président et l’assurer de leur plus vif soutien dans cette terrible épreuve. Si la maladie est incapacitante, il faudra démissionner et le jeunot qui préside le Sénat se fera un plaisir d’assurer l’intérim.

Malheureusement pour F. Hollande, une maladie ne se décrète pas. Il faudra donc y aller bon gré mal gré, et composer avec les « vertiges du succès » dont nous avons eu un avant-goût hier soir. A ce train-là, on arrivera probablement quatrième au premier tour, mais l’honneur sera sauf.

Et, puis, avouons-le dans une bouffée de Schadenfreude : si F. Hollande se représente comme il semble s’y préparer, cela sera l’occasion de liquider électoralement tout ce beau monde qui se sera mis dans l’obligation de le suivre. Un magnifique nettoyage de printemps 2017. Patience donc. Et merci d’avance cher François.

2 réponses à “Les vertiges du succès.

  1. La carrière politique de Hollande est terminée, donc peu importe qu’il se représente ou pas.

    C’est vrai qu’aucun président sortant n’a renoncé à se représenter, mais aucun président non plus n’a été éliminé dès le premier tour avec moins de 15 % des voix, or c’est ce qui pend au nez de Hollande si l’on en croit les sondages. Alors, qu’est-ce qu’il vaut mieux pour lui ? Entraîner la gauche dans un désastre prévisible ou partir avec panache en disant qu’il a fait les réformes et que l’histoire le jugera ? Car son modèle est Gerhard Schröder, battu à cause de sa réforme du code du travail mais encensé aujourd’hui par tous les commentateurs.

    Il y a un sondage qui vient de sortir et qui dit que Macron pourrait être présent au second tour, à condition que le candidat LR soit Sarkozy. Si les sondages indiquent que Macron a de meilleures chances que lui, Hollande pourrait abandonner la partie, comme Chirac en 2007 lorsque Sarkozy est devenu le meilleur candidat de la droite et que les chances de Chirac étaient nulles.

    • @ moi :
      L’exemple de Chirac en 2007 ne vaut guère, car il s’était déjà représenté en 2002. Cela aurait fait son troisième mandat – on tombait dans le renouvellement des mandats présidentiels à l’africaine ou à la russe.

      Celui de Schröder ne vaut guère non plus : il a tenté de se faire réélire, et il a été battu. Il n’a pas abandonné le combat si facilement, parce que son parti l’a suivi. Les vrais contre-exemple sont à chercher dans les leaders de parti, chefs de gouvernement, répudiés par leur propre parti à travers un vote démocratique des militants. Pour l’instant, la probabilité qu’un vote militant au sein du PS dise clairement que F. Hollande ne peut pas être le candidat de ce parti à la Présidentielle me parait très faible. Ce n’est certes pas impossible, mais le respect du présidentialisme y est tellement fort et les militants tellement contrôlés par les élus que je ne crois guère à cette hypothèse.

      Ne pas se représenter pour F. Hollande serait donner raison (au moins à court terme) à toutes les critiques à son égard – et cela d’autant plus que son propre Ministre (et anciennement conseiller) se présenterait à sa place, sur le thème cruel pour F. H. : « tout ce qui a été fait de bon depuis 2012, c’est moi (Macron), et tout ce qui a été raté, c’est lui (Hollande). Même scénario avec Valls. Pour ne pas parler d’un scénario Aubry, voire Montebourg. F. Hollande ne peut pas ne pas défendre son bilan, il ne pourra pas laisser dire pendant toute une campagne présidentielle où il ne serait pas présent qu’il a été le pire Président de tous les temps. La nullité avec un grand N.

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