Réaction à la Suisse (2).

Nicolas Sarkozy a réagi au résultat du référendum suisse du 29 novembre 2009 dans une tribune publiée en première page du Monde. Allez lire cette prose, elle est mieux écrite qu’auparavant, le style est plus enlevé, le « nègre » présidentiel s’est nettement amélioré. Toutes mes félicitations!

Ceci étant, tout le texte tourne autour d’une glissade pour le moins banale par les temps qui courent de l’immigration à l’islam. En pratique et en résumé, c’est la réaffirmation du modèle républicain : l’État garantit la pleine et entière liberté de culte d’un côté, mais demande de l’autre aux nouveaux arrivants – qui sont censés ici n’être que musulmans – de  ne pas se livrer à des actes, tout au moins dans l’espace public, qui seraient blessants pour les sentiments des personnes déjà là. En gros, on vous accepte, mais un peu de discrétion que diable!

Il est facile de faire remarquer que procéder ainsi, cela revient à faire des personnes de religion musulmane des éternels arrivants. Il est vrai que, du point de vue de Louis le Pieux ou de Vercingétorix, « ils » viennent d’arriver ou pire de se convertir, mais, à l’échelle d’une vie humaine ou même de deux ou trois générations, cela commence à devenir risible. La politique française revient comme le hamster dans sa roue toujours à son problème musulman. Et cela dure au moins depuis les années 1930… Quel  écart avec la  réalité sociale de l’immigration!

En effet, si l’on se demande dans la France de 2009 (pas celle de 1939, de 1959 ou de 1979) qu’elles sont en réalité les personnes déjà là et les personnes qui arrivent, je doute que le caractère essentiellement musulman des arrivants s’avère fondamental pour décrire la situation. Que voit-on en effet à travers les luttes des sans-papiers telles que les médias en rendent compte ces dix dernières années? Voir est le mot important: eh bien, l’on voit que ces sans-papiers ont pour la plupart  la peau noire. Ils viennent de pays africains, ils sont peut-être musulmans, mais qui sait, ils sont peut-être catholiques, pentecôtistes, animistes, ou sans religion! Certes probablement peu d’entre eux sont bouddhistes ou taoïstes, mais bon… cela concerne d’autres  immigrés dont on parle fort peu.

Or ce que demande à N. Sarkozy aux pratiquants musulmans de France, c’est de ne pas trop faire tâche dans le paysage pour ne pas traumatiser avec leurs pratiques religieuses les populations accueillantes…  En prenant le même raisonnement pour les sans-papiers actuels, noirs de peau pour les plus motivés à défendre leurs droits de travailleurs à l’exploitation salariale, cela va être  vraiment difficile – d’autant plus que les produits blanchissants sont un poison contre lequel les services de la répression des fraudes luttent à juste titre.

Je ne veux bien sûr pas dire qu’il faut être raciste, envers les personnes à la couleur de peau non conforme, mais que, du côté des gens qui sont censés accueillir, cette question là aussi se pose. Certains parlent même d’une « question noire » en France. Et l’État lui-même a jugé bon de créer une institution la Halde pour lutter entre autre contre cette discrimination liée à la couleur de peau.

En somme, N. Sarkozy dit ici implicitement : face aux pratiques liées à la religion musulmane, l’énervement des autres déjà là est légitime. Heureusement, il n’oserait pas dire la même chose sur la couleur de peau… On progresse vers l’égalité, mais le hamster continue à tourner.

4 réponses à “Réaction à la Suisse (2).

  1. L’analogie du hamster est très bien trouvée !

  2. Pingback: La norme de la “vieille démocratie” | Polit’bistro : des politiques, du café

  3. La question n’est pas directement liée au post, mais on en est proche, donc je vous la pose: que pensez-vous de l’opportunité d’autoriser les statistiques ethniques en France ?

  4. @ champagne : comme cela n’a pas vraiment de lien avec le post, je ne devrais pas répondre. D’une part, de telles statistiques existent, au moins partiellement; d’autre part, il ne me semble pas indispensable de se focaliser à l’extrême sur le poids de l’ethnicité (terme à définir de plus); par formation, je suis beaucoup plus intéressé par des statistiques sur les aspects « matérialistes » des choses, sur le patrimoine par exemple. Plus généralement, c’est plus à une crise de répartition du revenu national que nous assistons qu’à une crise qui opposerait des ethnies, lesquelles d’ailleurs?

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