N. Sarkozy continue son show à destination de l’électorat frontiste, sous les applaudissements des militants de l’UMP. Et de noyer son dernier discours de meeting dans une salve de frontières à défendre. A l’en croire, la France semble menacée (dans les cinq ans qui viennent?…) dans son existence même… Je devrais vraiment m’informer. Je ne savais pas que les indépendantistes bretons, corses, occitans, et autres autonomistes alsaciens, flamands, étaient sur le point de faire éclater notre vieille nation comme une vulgaire Yougoslavie. La France serait donc amenée à disparaitre avant même la Belgique.
Quelle ironie que de voir le candidat de la droite libérale tenir un tel discours de reniement des valeurs de cosmopolitisme du libéralisme! Il y avait déjà eu le « Discours de Toulon » à l’automne 2008, contre les marchés. Et maintenant, la mondialisation en général, voilà l’ennemi! Il faut établir des frontières dans tous les domaines. Si, d’aventure, N. Sarkozy, réélu, appliquait vraiment ce programme d’une nouvelle ligne Maginot économique, sociale, et culturelle, nous ririons bien de voir tous les groupes sociaux, pourtant les plus centraux de la droite française, s’élever contre ces entraves inadmissibles aux affaires, à la mobilité, au commerce, au tourisme, etc.. Agiter le drapeau français dans un meeting comme lors d’un match de Coupe du Monde de football, c’est très sympathique, mais le jour où, en pratique, il faudrait payer l’addition de ce nationalisme, j’en connais certains qui vont rechigner.
En même temps, ce déluge de rhétorique nationaliste correspond à l’évolution des pratiques électorales d’une bonne partie de la droite européenne, regroupée, dans le Parti populaire européen (PPE). Pour donner un exemple (certes tendancieux, mais exact!), le parti de Viktor Orban, le Fidesz, au pouvoir en Hongrie depuis près de deux ans, est membre du PPE, comme l’UMP français, le PP espagnol ou la CDU allemande. Il a tenu en meeting, d’après ce que j’ai pu en apprendre par la presse internationale, au début de cette année des propos très durs à l’encontre de « Bruxelles » devant ses militants, en réactivant les schèmes d’une éternelle Hongrie, éternelle victime des Empires (autrichien et soviétique). Le Fidesz est par ailleurs accusé par ses opposants intérieurs d’avoir l’intention de s’éterniser au pouvoir. La polémique hongroise s’est largement internationalisée ces derniers mois. Lorsque il a dû s’expliquer, à propos de ses intentions liberticides, dans l’enceinte du Parlement européen, V. Orban a été soutenu sans difficultés particulières par le PPE. Et, au delà de ses propos de meeting anti-européens, le gouvernement Fidesz négocie avec la Commission européenne et le FMI de manière très pragmatique en fonction des rapports de force, prêts et ajustements législatifs.
J’ai lu quelque part que nous avions assisté à une campagne électorale à la britannique, où le parti conservateur affiche clairement sa détestation de l’Union européenne, tout en continuant en pratique à soutenir le fonctionnement (libéral?) au jour le jour de cette dernière. C. Leconte, dans un livre sur l’euroscepticisme en Europe (Understanding Euroscepticism, Routlege, 2010), soulignait à quel point ce dernier, loin de se limiter aux discours des extrémistes de droite et de gauche, était devenu au fil des dernières années la rhétorique commune des forces politiques les plus dominantes. La campagne française de 2012 conforte cette impression. L’UMP de 2012 est devenu un parti tory comme les autres, ou, alors, est-il simplement redevenu gaulliste? Ou de manière plus lointaine maurrassien? boulangiste?
Avec de telles grosses ficelles de campagne, comment espérer « faire l’Europe » ensuite?