Ce matin, sur France-Inter, notre Ministre des affaires étrangères, a prononcé le mantra bien connu pour mobiliser les électeurs pour les élections européennes : « L’Europe c’est la paix », en se référant explicitement à ce qui se passait actuellement autour de la crise ukrainienne. J’ai failli en avaler mon café de travers, tellement l’invocation de cette phrase rituelle ce matin a sonné à mes oreilles comme pouvant devenir dans des temps pas trop lointains une moquerie des Dieux à notre égard, une de ces phrases que les historiens se refilent entre eux, non sans cruauté, pour illustrer l’aveuglement des contemporains face à un événement tragique en train de se produire.
En l’occurrence, il me semble à en juger de l’information publiquement disponible pour tout le monde que l’Union européenne (UE) se trouve partie prenante au conflit avec la Russie sur l’avenir de l’Ukraine. C’est si j’ose dire officiel, puisque l’UE sanctionne la Russie (ce que ne font pas le Brésil ou l’Indonésie par exemple). Toute la politique visant à associer l’Ukraine à l’UE a été (mal) conçue de telle façon qu’elle a (inévitablement) provoqué la réaction que l’on a pu observer depuis quelques mois du pouvoir russe de V. Poutine.
Les deux seuls arguments qui me viennent à l’esprit pour justifier que l’Europe soit la paix, c’est d’une part la survie de diplomaties nationales au sein de l’UE. On dirait ainsi que l’Allemagne essaye de calmer le jeu. La diffusion hier par Bild de l’information, présentée dans ce journal populaire s’il en est au delà du Rhin comme venant des services secrets allemands selon laquelle des dizaines de conseillers issus de la CIA et du FBI aideraient le gouvernement intérimaire « pro-occidental » de Kiev à rétablir l’ordre dans le pays m’a paru comme l’un des signes qu’une partie au moins des dirigeants allemands (économiques? politiques?) essayaient de préserver la paix, puisque c’est valider ainsi les thèses russes sur l’implication directe de certains occidentaux dans l’affaire, c’est partager de fait les torts entre occidentaux et russes sur la présente situation en Ukraine. En somme, notre première chance pour l’instant, c’est que l’UE ne soit pas complètement unie derrière les va-t-en guerre. Dans le même entretien, L. Fabius insistait lui-même sur l’usage du terme de « partenaire » pour parler de la Russie, pour bien souligner que le dialogue restait ouvert. Cela n’a pas grand chose avoir avec l’UE, mais sans doute beaucoup avec les intérêts (économiques) de la France. D’autre part, il n’y a pas en Europe que l’UE pour représenter les intérêts collectifs du continent, il y a aussi le Conseil de l’Europe, et surtout l’OCSE, cette « ONU-régionale » qui est prévue pour éviter une confrontation directe entre pays membres. Ces deux organisations régionales constitueront peut-être un instrument pour résoudre la crise.
Espérons en tout cas ne pas finir dans un « L’Europe, c’est la paix » à la manière d’Orwell.